Cédric Mourier : « Être ami avec les joueurs, la pire chose à faire »
Cédric Mourier, le juge arbitre de l’Open Sud de France, a répondu aux questions du Nouveau Montpellier. L’occasion pour cet arbitre et juge arbitre international d’expliquer son métier et de revenir sur une vidéo de Victor Troicki qui avait fait beaucoup de bruit sur la toile.
Le Nouveau Montpellier : Pouvez-vous nous parler de votre profession et expliquer quel est votre rôle au sein du tournoi de l’Open Sud de France ?
Cédric Mourier : On va dire que le juge arbitre c’est la personne qui est entre l’organisation – donc qui a des demandes, des requêtes régulières – et l’ATP, qui a un cahier des charges assez strict qui doit être respecté. Donc, quand le tournoi a une demande sur le programme du lendemain, moi je leur explique un peu quelles sont les règles à respecter et puis on essaie de vendre ça a l’ATP.
L’ATP a des exigences sur les règles qui font qu’on ne peut pas jouer à telle heure si on a déjà joué x temps avant, ect. Donc voilà, moi je suis au milieu pour essayer de satisfaire tout le monde. Si un joueur demande une banane sur le court, ou de faire corder sa raquette, si l’on ouvre un court supplémentaire, je suis chargé par l’ATP du bon déroulement de ces choses et surtout de la sécurité de tous. Ça couvre une large palette de choses. Toutes les trois minutes, le talkie-walkie sonne. C’est assez intéressant car j’apprends plein de choses dans l’organisation d’un tournoi et j’apprends aussi beaucoup dans les bureaux avec le superviseur, à l’intérieur d’un tournoi ATP.
Est-ce que les deux peuvent se combiner ?
Oui parce que, si vous voulez, le gros avantage que je vais avoir ici, par exemple, c’est que je connais tous les joueurs donc quand il faut aller les chercher pour descendre au match, c’est peut-être plus facile pour moi qui les connais et eux qui me connaissent d’avoir un petit peu de crédit, de voix, de confiance. Et donc ça se passe toujours très bien.
Vous avez une préférence entre ces deux rôles ?
Non, je les trouve très complémentaires, et de faire les deux je trouve ça très bien aussi. Parce que ça permet de voir quelque chose de nouveau et faire quelque chose de bien donc ce sont des challenges, c’est excitant.
Ici, à l’Open Sud, vous travaillez avec des bénévoles, juges de lignes, est-ce plus difficile de travailler avec des juges non professionnels ? Vous devez être plus attentif ?
Je ne suis pas sûr qu’ils soient tous bénévoles, on leur accorde certainement un défraiement ou quelque chose pour dire que. Mais ceux sont tous des gens qui ont de l’expérience malgré tout, qui ont déjà travaillé sur des gros tournois ou déjà travaillé ici l’année dernière. Et c’est aussi le moyen pour intégrer des jeunes qui peuvent, eux, adhérer à l’expérience. Ils sont tous à un grade minimum requis par la fédération et par l’ATP, ils ont tous de l’expérience, ceux qui en ont un peu moins sont drivés par ceux qui en ont un peu plus et c’est finalement très bien. Il y a des erreurs, comme partout, mais il n’y a pas de problèmes ou scandales d’arbitrage.
Justement, il y a un an, il y a eu une petite affaire avec Victor Troicki qui a beaucoup fait parler. Est-ce que vous pouvez nous raconter ?
C’était à Rome, je suis descendu voir une marque sur la ligne de fond, que j’ai jugé faute, et le joueur avait le droit de faire le tour et de voir la marque car c’était une balle de jeu. Il n’était pas d’accord, donc après c’était plus un petit show avec l’idée de la caméra pour aller voir la marque, ce qui est effectivement très inhabituel et l’une des raisons principales du buzz. Les joueurs sont frustrés, ils veulent la balle bonne, ça aurai pu être un incident anodin si le joueur n’avait pas fait son show mais il se trouve que son show a fait le buzz donc voilà, ça arrive.
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Vous parliez des relations que vous entretenez avec les joueurs. Justement, en tant qu’arbitre, quelle genre de relation doit on avoir avec un joueur ?
On les côtoie tous les jours donc, malgré tout, ça crée un lien de confiance, de respect du travail. Donc moi je conseille toujours aux jeunes arbitres qui commencent et qui veulent progresser, on a toujours l’impression qu’ils veulent être amis avec les joueurs, or le conseil que je pourrais donner à n’importe qui, à un journaliste c’est la même chose, si vous voulez être ami des gens que vous interviewez ou des gens que vous arbitrez, c’est la pire des choses a faire. Vous gagnez la confiance et le respect des joueurs si vous êtes bon et je pense que si on fait son travail, on a toujours le respect. Je les côtoie, c’est vrai, mais je ne cherche pas à devenir leur ami. Aujourd’hui, je travaille avec donc c’est des collègues de travail avec qui ça se passe bien, tant mieux, mais c’est parce que je suis bon sur le terrain, parce que si je n’étais pas bon et que je leur tape dans l’épaule, à un moment donné ça ne pourrait pas passer. Le cas de Victor Troicki est typique car une fois le match terminé, il m’a dit qu’il n’avait rien contre moi, simplement qu’il n’était pas d’accord avec ma décision. La relation qu’on a avec les joueurs, elle est professionnelle.
Interview réalisée par Jason Bringer et Wally Bordas