Étincelle : « Rester femme avec un cancer »
En cette période de fêtes, quoi de plus important que d’être solidaire envers les personnes qui traversent des moments difficiles, et il n’y a rien de plus important que le soutien de sa famille ou des associations dans lesquelles on peut trouver du réconfort, de l’écoute et de la chaleur humaine. L’association montpelliéraine Étincelle LR illustre très bien cette solidarité vis-à-vis des femmes atteintes d’un cancer en leur procurant toute l’année des soins de support, tant au niveau du corps que de l’esprit.
Nous avons rencontré Betty Mercier, maître de conférences à l’UM1, présidente de l’association Étincelle LR et rédactrice en chef ainsi que directrice de la publication du magazine gratuit L&Vie, créé en octobre 2012, qui retrace le parcours de femmes atteintes d’un cancer et donne des conseils de nutrition, sport, esthétique, bien-être, mode et santé ! Comme le dit Betty Mercier dans son premier édito : « Le cancer n’est pas qu’une histoire de mort. Dans L&Vie, il y a VIE ! » Pour elle, c’est une histoire de renaissance. Elle poursuit dans ce même édito : « En écoutant les femmes parler de « leur » cancer, de « leur » histoire, on est frappé par le sentiment qu’il y a une vie avant et une vie après le cancer, on sent que c’est bien d’une histoire de renaissance dont elles parlent. » Ce magazine est donc l’accomplissement d’une équipe de femmes, les unes ayant eu un cancer et les autres accueillant des femmes atteintes de cancer. Rencontre avec une femme entière pour une cause admirable.

(Crédit photo : © Betty Mercier)
Le Nouveau Montpellier : En tant que présidente de l’association montpelliéraine Étincelle LR qui accompagne les femmes atteintes d’un cancer ainsi que leur famille à tous les stades de la maladie et dans l’après cancer, parlez-nous de l’association.
Betty Mercier : J’ai créé l’association Étincelle LR (Languedoc-Rousillon) en 2007 après le diagnostic du cancer du poumon de ma mère en 2005 et après avoir perdu mon père d’un cancer de la vessie quelques années auparavant. Je me suis rendue compte qu’il n’y avait aucune structure qui existait pour accompagner les femmes et j’ai donc décidé de suivre le modèle qui existait depuis 2004 à Issy-les-Moulineaux, à Paris, qui s’appelait « Étincelle, rester femme avec un cancer ». Mais depuis, on peut dire que l’élève a dépassé le maître !
Nous sommes liés par une charte hors hôpital et gratuité. Depuis que Étincelle LR existe, on a reçu plus de 800 femmes. Elles sont accompagnées par une équipe d’une trentaine de professionnels dont la plupart sont des bénévoles.
Étincelle LR propose un programme personnalisé d’accompagnement (PPAC) appelé Onco’Vie, avec du sport Onco’sport, de la nutrition Onco’nutrition, du soutien psychologique Onco’psy et de la socio-esthétique Onco’esthétique (des esthéticiennes formées au public fragilisé par une pathologie), entre autres. Un élément important aussi, les ateliers de cuisine santé : un chef cuisinier propose deux fois par semaine des cours de cuisine à base de produits frais. Les recettes sont étudiées avec une nutritionniste, et ensuite les femmes mangent au sein d’Étincelle. L’association Étincelle LR propose des activités dans plusieurs villes de la région : Nîmes, Béziers, Lodève, Clermont l’Hérault.

(Crédit photo : © Betty Mercier)
Dans le cadre d’Octobre Rose, le mois de lutte contre le cancer du sein, l’association Étincelle LR a été à l’initiative de Festiv’Elles, le premier festival franco-marocain contre le cancer. Ce festival a été organisé à l’occasion de l’anniversaire des dix ans du jumelage entre les villes de Montpellier et de Fès et de la 6e édition du « Ruban de l’Espoir », manifestation internationale de lutte contre le cancer. Parlez-nous de ce jumelage et du travail réalisé lors de cette manifestation plurielle.
Tout d’abord, ce festival s’est déroulé à Montpellier du 1er au 5 octobre, et à Fès du 24 au 27 octobre 2013 avec une succession d’événements. Alors que le congrès ASTREA célébrait sa troisième édition à Montpellier, la première édition du congrès avait lieu à Fès le 24 octobre et commençait par un congrès scientifique à la faculté de médecine et de pharmacie de l’université Sidi Mohammed Ben Abdellah, qui a réuni des scientifiques français et marocains. Elle se poursuivait par un tremplin de jeunes artistes (danse, musique, humour), avec des artistes de Montpellier et des artistes marocains tels que les deux humoristes Amine Lamrabti et Simohammed Elalami. Ce fut un véritable échange culturel. Le festival s’est terminé à Fès le 27 octobre 2013 par la première édition de la course Maroc’Elles contre le cancer, qui s’est tenue sur l’avenue Hassan II. Nous avons eu le plaisir d’accueillir plus de 10 000 personnes comprenant des clubs sportifs, des femmes, des enfants, des handicapés et le comédien humoriste Abdelkader Secteur qui nous a fait la surprise de sa présence. En bref, ce festival a témoigné d’une très forte mobilisation avec des institutions françaises et marocaines, des citoyens et des associations. Les Marocains ont fait preuve d’une grande hospitalité et d’une implication forte.
À l’occasion de notre voyage, on a aussi pu visiter le centre d’oncologie ainsi que la maison de vie mise en place par son altesse royale Lalla Salma, qui a fait du cancer la cause nationale au Maroc. En effet, elle a créé une fondation en 2005 qui porte son nom et qui aide les personnes atteintes de cancer au travers de maisons de vie, qui sont toujours près des centres d’oncologie pour les femmes de la ruralité. Ces femmes sont hébergées et suivent leur traitement dans de bonnes conditions, car les femmes viennent de loin et les médicaments sont gratuits.
La fondation Lalla Salma travaille sur différents axes, en particulier l’information, l’éducation et la prévention, en faisant du patient son objectif et du cancer une priorité de santé publique. En effet, le patient est au cœur de leur engagement avec pour but d’améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de cancer et leurs proches, en prenant en compte la partie thérapeutique mais aussi les soins de support.
Ces maisons de vie ressemblent à Étincelle LR, mais avec l’hébergement en plus qui comprend 48 lits ! C’est une chose formidable et la maison de vie est traditionnelle et magnifique, faite comme un riad.
Avez-vous senti la différence entre la mobilisation marocaine et celle montpelliéraine ?
Oui, en effet, la mobilisation à Fès était beaucoup plus intense mais peut-être avons-nous été déçus parce qu’il y a plus de choses à Montpellier, donc les gens sont plus sollicités et il est plus difficile de les mobiliser, mais ce qui est sûr c’est qu’on a vu la différence. En effet, toutes les associations montpelliéraines font quelque chose à l’occasion d’Octobre Rose, donc on était noyés alors qu’au Maroc, il n’y avait que nous. Là-bas, nous étions en partenariat avec des associations de femmes et d’enfants malades.
Le festival s’est déroulé à Montpellier du 1er au 5 octobre avec la troisième édition du congrès scientifique ASTREA intitulé « Quels regards face au cancer ? Parcours de soins, parcours de vie » les 3 et 4 octobre, comprenant de nombreuses conférences à la salle des rencontres de la mairie, et le tremplin de jeunes artistes intitulé « Faites du Bruit contre le Cancer » à l’Opéra Comédie. Mais cette année, l’événement sportif n’a pas été organisé par l’association Étincelle LR, contrairement au Maroc avec la course Maroc’Elles.
Au sein de l’association, en plus d’apporter de la joie et du soutien à vos étincelles, vous les aidez à retrouver leur féminité, chose primordiale chez une femme. Comment avez-vous perçu la vision des marocaines ? Vivent-elles la maladie puis la guérison de la même manière ?
Bien sûr que non. Mais elles ont besoin aussi qu’on s’occupe d’elles en tant que femme, la féminité reste primordiale. La preuve est que les personnes qui s’occupent du cancer s’ouvrent de plus en plus au sport, à la nutrition et à la socio-esthétique. En effet, les marocaines sont très demandeuses de l’esthétique, partout la femme a besoin d’être traitée comme une femme et de retrouver sa féminité. Lors de Festiv’Elles, on a vécu une grande mobilisation de femmes qui étaient très solidaires, engagées mais aussi sensibles et très investies.
La culture marocaine fait qu’une femme qui a un cancer dans un village est répudiée par sa famille et son mari donc c’est difficile, car elles se sentent coupables. On dit au Maroc que c’est la fatalité et que c’est Dieu qui en a décidé ainsi. Alors ils l’acceptent beaucoup plus et ils se posent la question de ce qu’ils ont fait pour être puni par Dieu. Ce clivage culturel est incroyable et le fait de dire que c’est la fatalité nous semble inimaginable, on a envie de leur dire de se battre, que ce n’est pas de leur faute, mais il faut comprendre cette culture et ces comportements face à la maladie.
Quel bilan tirez-vous de cet échange, des avancées médicales et du regard des gens sur la maladie ? Y a-t-il des améliorations ou le chemin est-il encore long ?
Nous avons beaucoup appris sur les nouvelles techniques de thérapie lors du congrès scientifique à Montpellier et on a apporté des savoir-faire et des compétences dans les soins de support (soins complémentaires aux traitements médicaux) à Fès. On a pu échanger sur la perception du cancer en France et au Maroc. En effet, il y a eu beaucoup d’échanges avec les cancérologues, les thérapeutes et les associations.
Il est évident que le regard change, en effet. Le congrès scientifique s’intitulait « Quels regards face au cancer ? », donc progressivement ça évolue. Le regard change, le monde médical est plus ouvert et humain et on s’intéresse de plus en plus à tous les effets secondaires du cancer que ce soit sur le couple, la famille, le bien-être, la psychologie ou les aidants. Mais le regard des autres reste toujours difficile car le cancer fait toujours peur. En effet, le cancer est lié à la mort dans la mémoire collective. Il est le reflet de nos propres peurs.
Quels projets envisagez-vous pour la suite ?
On est en train de créer une course pour Octobre Rose 2014, dans le cadre du festival franco-marocain Festiv’Elles, suite au grand succès de celle organisée au Maroc le 27 octobre 2013, la Maroc’Elles. Ce serait le week-end du 12 octobre et l’idée serait de partir du Parc des expositions de Pérols pour aller jusqu’à la mer, soit relier Montpellier à la mer. Ensuite, nous comptons organiser la 2e édition de Festiv’Elles. L’édition 2014 se fera à Montpellier et à Fès comme cette année, en effet les Marocains y tiennent absolument en conservant les trois pôles : santé, sport et culture. À Montpellier, le sport viendrait s’ajouter aux conférences scientifiques et le tremplin des jeunes artistes se ferait beaucoup plus en amont afin d’auditionner les jeunes artistes pour leur prestation à l’Opéra Comédie. Un appel à candidatures se fera alors au préalable.
(Crédit photo de une : © Betty Mercier)