Jean Fernandez et le MHSC : Chronique d’un naufrage annoncé…
Le monde du football montpelliérain s’est levé avec un électrochoc, jeudi matin. Après un énième mauvais résultat (0-2 contre Lorient), Jean Fernandez a décidé de démissionner de son poste d’entraîneur du MHSC. Chronique d’un naufrage annoncé…
Qu’il paraît loin le début de saison pour Jean Fernandez. L’entraîneur de 59 ans arrivait dans l’Hérault l’été dernier pour succéder à René Girard, en partance pour Lille, avec une expérience que peu de techniciens pouvaient se targuer d’avoir (586 matches sur un banc de Ligue 1) et de belles pages du football français dans ses bagages. Quelques mois après, et à la suite d’un septième match consécutif sans victoire de Montpellier en championnat, Jean Fernandez a décidé de démissionner de son poste d’entraîneur du MHSC. Mais comment peut-on expliquer un tel échec ? Est-ce que le club paye aujourd’hui les frais de la parenthèse victorieuse de 2012 ?
L’erreur de casting ?
À la base, Jean Fernandez fait l’unanimité. Pas forcément aux yeux de tout le monde, c’est vrai, mais le technicien est reconnu par ses pairs et le reste de la famille du football français pour ses qualités de formateur. Il s’est taillé une réputation de dénicheur de talents, comme Franck Ribéry qu’il a coaché à Metz. Ses débuts à Cannes coïncident également avec l’éclosion de Zidane dans le monde professionnel ; Pedretti et Pagis, dans un degré moindre à Sochaux, sont aussi deux exemples.
Alors, si son taux de victoires en tant qu’entraîneur est légèrement inférieur à celui de Maradona (38% contre 44%), on peut estimer que le choix de faire signer Jean Fernandez pour entraîner le MHSC dès juillet 2013 fait figure de compromis correct pour Louis Nicollin. Mais on ne peut pas aller jusqu’à affirmer qu’il est le coach idéal pour le club. Il a quand même participé à la descente de l’AJA en Ligue 2, après avoir terminé sur le podium de L1 la saison précédente, et a abandonné un club de Nancy totalement sinistré. Pourtant, on peut penser qu’avec son expérience et sa connaissance du championnat de France, il pourrait, avec un peu de chance et l’adhésion de ses joueurs, devenir l’homme de la situation pour une équipe héraultaise qui peine à se remettre de son titre de champion de France 2011-2012.

Louis Nicollin avait sorti de son chapeau, à la surprise générale, Jean Fernandez (Crédit photo : © Christophe Chay)
Mais voilà. Sur le banc, ses résultats sont quant à eux plus mitigés et ce depuis longtemps. Fernandez est le genre d’entraîneur qui ne Passe Pas l’Hiver (ou PPH pour les puristes). Et, encore une fois, à Montpellier, l’expérience va tourner court. C’est donc avec un double échec en bandoulière qu’il se retrouve sur le marché. Son 603e match dans l’élite n’est peut-être pas pour tout de suite d’ailleurs… Un Jeannot qui retrouvera certainement une place dans l’un des nombreux clubs de ce cher championnat de Ligue 1, aidé par le corporatisme du monde du foot français, toujours frileux quand il s’agit de faire appel à de nouvelles têtes porteuses d’autres visions du football.
Un échec collectif ?
Outre l’échec de son entraîneur, cette situation n’était-elle pas envisageable au vu de l’effectif actuel du club ? Si le Montpellier 2013-2014 n’a plus rien à voir avec celui champion de France il y a un an et demi, sa place n’est peut-être pas juste au dessus de la ligne de flottaison de l’élite.
Mais le mal est profond et l’image défensive de Fernandez est revenue comme un boulet sur le tapis vert. Jugé frileux, Fernandez ne construit pas ses équipes pour marquer des buts mais pour ne pas en prendre. Sauf que les statistiques viennent contredire ces a priori : que le club n’ait que la 14e attaque de Ligue 1 n’est pas réellement une surprise en soit, mais que le club se retrouve aussi à la 14e place en défense, là, ça devient plus inquiétant. Surtout quand on sait à quel point ce secteur tient à cœur au désormais ex-entraîneur du MHSC.

Jean Fernandez et le MHSC : une histoire d’amour qui aura tourné court (Crédit photo : © Christophe Chay)
Autre point noir de la période Fernandez : l’agressivité. Certes, les Héraultais n’ont jamais brillé dans ce classement mais, cette saison, on a atteint des records. En seize journées, les Pailladins occupent la dernière place du classement du fair-play avec 9 cartons rouges et 30 jaunes ! Le MHSC a fait renaître le fantôme de l’équipe violente qui s’attirait, au début de l’ère Girard, les foudres des commissions de discipline. Sur qui rejeter la faute ? Est-ce le signe de la volonté des joueurs de s’impliquer réellement dans le destin de cette équipe ? Ou faut-il y voir l’envie de compenser un manque (flagrant ?) de qualité footballistique par la recherche d’un jeu physique ?
Des échecs individuels ?
Montpellier paie également le départ de nombreux cadres : Giroud, Belhanda, Bédimo, Utaka, Estrada… Cela fait beaucoup en un an et demi… Beaucoup trop lorsque, dans le même temps, le club enchaîne les erreurs de casting lors des mercato. Montaño ne ressemble plus au joueur qui avait foulé la pelouse de la Mosson entre 2005 et 2010, Mounier (malgré sa qualité technique) est trop irrégulier, quand il n’est pas blessé, Bakar a rapidement montré ses limites pour le haut niveau et Congré n’a pas le niveau de son époque toulousaine. Et ce joueur en attaque que l’on a fait venir d’Amérique du Sud… Herrera, c’est bien son nom ? Finalement, sa venue au club aura été l’occasion pour lui de constater que le (faible niveau) de ce championnat est pourtant bien trop haut pour lui…

Herrera célébrant un but, une photo désormais collector (Crédit photo : © Getty Images)
L’échec collectif du club pailladin s’illustre bien par la solitude de deux joueurs au milieu de terrain. Le premier, Morgan Sanson, débarqué à Montpellier sur la pointe des pieds, s’affirme comme l’une des révélations de la première partie de saison de Ligue 1. Le second est connu de tous puisqu’il s’agit de Rémy Cabella. Leader du collectif montpelliérain à seulement 23 ans, il apporte toute sa technique et sa vitesse à l’équipe. C’est d’ailleurs la principale (et la seule ?) arme offensive du jeu montpelliérain. La classe de l’un et l’émergence prometteuse de l’autre ne suffisent cependant pas à combler les failles d’une équipe qui vit certainement un difficile retour à l’ordinaire (objectif maintien ?) dans un club qui semblait ne plus avoir les pieds sur terre.
Loulou, que fais-tu ?
Jean Fernandez a longtemps servi de bouc émissaire pour expliquer la baisse de régime du Montpellier Hérault Sport Club. Mais est-ce bien la faute d’un seul homme ?
L’épisode René Girard, historique pour le titre de champion de France 2011-2012, ne va durer finalement qu’une saison. La transition post-titre de Ligue 1 a également été mal négociée par le club, comme toujours en France. Tous les joueurs ont sauté sur l’occasion pour négocier avec le club, soit des départs soit des revalorisations salariales. Certains pourraient y voir le contraste entre un MHSC profitant d’un côté des dividendes de son titre pour se structurer un peu plus. D’autres y verront un sabordage de la fin de saison à travers un manque radical d’union sacrée. Avant de bâtir autre chose, sur les vieilles fondations.
Cependant, au lieu de corriger le tir et de recruter pour de bon un entraîneur avec de l’ambition dans le jeu, le président Nicollin enrôle un technicien réputé au niveau national mais qui a plus l’habitude de galérer en bas de classement que de réussir dans les grosses écuries du championnat. En parallèle de cette stagnation mal perçue par l’effectif, la cellule de recrutement ne se montre pas plus aussi efficace. Fini les belles pioches, place aux transferts ratés aux coûts relativement importants pour un club.
Pendant ce temps, les dirigeants peuvent tranquillement se dédouaner. N’importe quel supporteur dira que le sort de Fernandez était couru d’avance, et ce dès son arrivée, quand on connaissait le passif de ce dernier. Et ces dernières semaines, alors que son entraîneur s’est retrouvé dans l’œil du cyclone, les propos du président Nicollin résonnent encore partout à la Paillade : « Je ne lui en veux pas, c’est un mec bien, mais je pense que j’ai fait une connerie. C’est un peu léger. J’ai voulu écouter Pierre, Paul et Jacques et là, on n’est pas bien. » Une connerie, M. Nicollin ? Celle de donner les clés à un entraîneur en proie aux doutes et vainqueur à seulement deux reprises de ses 34 derniers matches de Ligue 1 ? Peut-être. Celle de l’avoir dit publiquement alors que son équipe est au plus mal ? C’est certain.

L’ombre de Rolland Courbis plane à nouveau sur la Paillade (Crédit photo : © Getty Image)
Désormais, avec cette cinquième défaite en championnat (accompagnée de neuf matchs nuls pour une statistique de 14 matches sur 16 sans victoire), les dirigeants du MHSC n’ont plus qu’une marge de manœuvre très réduite. Les cinq points qui les séparent de la zone rouge leur donnent encore le choix. Jean Fernandez, lui, n’a pas attendu une éventuelle sanction pour prendre les devants. L’entraîneur aux 602 matchs a décidé de quitter ses fonctions « dans l’intérêt du club et de l’équipe », a-t-il déclaré en conférence de presse jeudi matin. Laurent Nicollin a par ailleurs précisé que l’entraîneur adjoint Pascal Baills assurerait l’intérim pendant que la bonne solution est recherchée. En attendant Rolland Courbis ou Frédéric Antonetti. Selon les informations de France Football, le premier reprendrait les rênes de l’équipe, lui qui a déjà été coach du MHSC de mai 2007 à 2009, un passage conclu par une montée dans l’élite.
Quelques mois seulement après son arrivée à Montpellier, Jean Fernandez voit donc l’aventure s’interrompre brutalement. Un véritable échec pour le technicien. Un échec qui était pourtant annoncé, mais un échec dont il n’est certainement pas le seul responsable …
Retrouvez la dernière conférence de presse de Jean Fernandez en vidéo :
Vraiment propre l’article
Herrera – Fernandez
Une erreur de casting par saison