Le Festival Singulièrement Vôtre, jamais 2 sans 3
Du 9 au 12 mai 2014, le Festival Singulièrement Vôtre a pris possession de la Maison Pour Tous Frédéric Chopin pour sa 3e édition. Une quarantaine d’artistes de Montpellier et de tout le pays ont participé à ce festival plus qu’atypique : singulier !
Tout d’abord, il s’agit de définir l’art singulier, chose qui n’est ni évidente, ni aisée. Art brut, art singulier, art modeste… S’il ne peut facilement se définir, une chose est claire, il est basé sur l’intuition et la sensibilité. Un artiste connu de ce mouvement est Moss, artiste à la biographie digne d’un roman. Il réalise certaines de ses œuvres à la tronçonneuse et ses créations connaissent un grand succès. Il est d’ailleurs venu lors du festival pour rencontrer les artistes qui exposaient.

Le jardin de la Maison Pour Tous Frédéric Chopin (Crédit photo © Audrey Villate)
L’invitée d’honneur, une artiste montpelliéraine
eDline, invitée d’honneur du festival, elle, a du mal à se définir comme une artiste singulière. Artiste montpelliéraine, elle est notamment exposée au Futuroscope, une vitrine de choix qui n’échappe pas aux regards avertis. Ses structures, certaines petites et minutieuses, d’autres plus impressionnantes, sont chargées de détails. Il faut s’y prendre à plusieurs reprises pour distinguer l’enchevêtrement des formes, de près désordonné, de loin donnant une forme surprenante telle une tête de dinosaure ou une maison avec toutes ses pièces.

Détail d’une oeuvre d’eDline, suspendue dans les airs (Crédit photo © Audrey Villate)
Il s’agit surtout « de se démarquer de l’art contemporain galvaudé par la finance ». De toute façon, les définitions, ce n’est pas son truc et elle le justifie d’un « j’ai fait philo » taquin et complice. Une artiste qu’il sera agréable de retrouver en juillet pour une nouvelle exposition à Zoïd, place St Ravy.

Circus, une oeuvre de Marcel Deltell (Crédit photo © Audrey Villate)
Des artistes nombreux et variés à ce festival
Marcel Deltell, généreux, apporte sa contribution à la définition de l’art singulier. Pour lui, il s’agit d’un terme générique pour désigner « l’art naïf, l’art des prisons, l’art populaire ». Un art qui à la base est « un travail de MJC de quartier, avec peu de moyens et des matériaux qui ne sont pas nobles » se distinguant de l’art conceptuel.

Détail d’une oeuvre de Marcel Deltell (Crédit photo © Audrey Villate)
Loin du conformisme, ne se limitant pas au support utilisé. « L’art singulier renoue avec la sensibilité perdue avec l’art conceptuel, l’art abstrait où si tu ne comprends pas ce que l’artiste a voulu dire, t’es la dernière des connes ! » Le franc-parler de Marcel est surtout, on le sent, dû au fait qu’il parle avec ses tripes : « Pour les uns il y a du fric, pour d’autres non. C’est une histoire de marché. Sur quels critères une œuvre vaut 20 000 euros ? Ça devient un investissement et non juste de la passion. »
Cet artiste, installé à Perpignan, confectionne des saynètes vivantes, colorées, poétiques et effectivement pleines de sensibilité. Ses supports sont effectivement variés, il est surprenant de savoir que le dragon qui surveille sa princesse est en fait un bout de bois de genévrier peint de vert.

Une oeuvre de Sniege (Crédit photo © Audrey Villate)
Au détour d’une salle, on peut croiser les œuvres de Sniege, ses personnages lumineux, positifs et souriants, seul ou à plusieurs sur des toiles de tous formats. Ils donnent envie de leur rendre leur énergie positive.

Stand de Sniege (Crédit photo © Audrey Villate)
Au fond d’une autre salle, ce sont les œuvres d’Evelyne Maubert qui vous attendent, des personnages sortis tout droit de vos rêves. Un air du film d’animation Coraline qui séduit au premier abord.
Les sculptures dans chaque salle ont leur univers. On trouve les « grassouillettes » bienheureuses de Béa A, une interprétation terrifiante de King Kong par Bernard Belluc, des sculptures qui semblent évoquer des invocations à des divinités passées faites par Gom’s.

Le King Kong de Bernard Belluc (Crédit photo © Audrey Villate)
D’un coup, le regard se pose sur les beast barbies de Julia Sisi et sur les œuvres colorées qui les dominent.

Les Beast Barbies de Julia Sisi (Crédit photo © Audrey Villate)
Difficile de parvenir à se stabiliser sur un élément en particulier tant les yeux sont sollicités partout à la fois et ne savent où s’attarder vraiment. C’est le cœur qui décide à la place.
Le jardin, tout autant investi par les artistes
Dans le jardin, voilà que ce sont les oreilles qui sont mises au travail par l’association « Atout théâtre » qui assure chant et accordéon. Après s’être rafraîchi d’un jus de fruit ou d’un sirop au bar, prendre connaissance des œuvres exposées dans le jardin s’avère épique.

Une œuvre de Bertrand Lecointre (Crédit photo © Audrey Villate)
Le Jardin est envahi. Les installations d’eDline côtoient celles de Jean-Marc Aguilar et celles de Bertrand Lecointre, toutes ariennes et soumises au moindre caprice du vent.

Œuvres aériennes de Bertrand Lecointre (Crédit photo © Audrey Villate)
Une tente abrite les photographies de Tibo Streicher qui confie qu’il aurait aimé que davantage de monde viennent au festival car « il y a des événements tous les jours et on est là les 4 jours. »
Plus au fond, on fait connaissance avec les constructions étranges de Laurence Cappelletto, déstabilisantes. On croirait avoir affaire à des greffes contre nature. Un visiteur blague sur une d’entre elles : « J’avais un prof qui lui ressemblait. »

Une œuvre de Laurence Cappelletto (Crédit photo © Audrey Villate)
Un choix difficile et une perspective personnelle
Il est difficile de parler et de montrer tous les artistes présents à ce festival tant ils sont nombreux. Le choix d’un plutôt qu’un autre est purement subjectif, là où la présence des artistes à ce festival est voulue pour couvrir au maximum les styles et techniques de l’art singulier. 350 appels à candidatures sont envoyés pour le festival grâce à un fichier constitué avec minutie. Pour la troisième année consécutive, l’invité d’honneur est Montpelliérain. L’an dernier, c’était Sylvain Corentin.

L’association Atout théâtre sur scène (Crédit photo © Audrey Villate)
Ce festival, c’est une mini-ZAT. Car ce ne sont pas seulement des œuvres d’art que vous trouverez là mais aussi une programmation comprenant de la musique et des conférences pour expliquer l’art singulier. Un peu de bric et de broc, un peu de système D, le jardin de la Maison Pour Tous est semblable aux œuvres des artistes. L’ensemble est festif, accueillant, pas forcément assorti, mais ce que l’on retient c’est la découverte et la gentillesse de chacun. Les artistes louent l’organisation et l’ambiance et aimeraient que les Montpelliérains soient encore plus nombreux au rendez-vous.
Même si l’on ne sait pas trop ce qu’est l’art singulier, ce n’est pas bien grave, voilà une excuse toute trouvée pour aller le découvrir sous ses nombreuses formes, en espérant que ça ne sera jamais 3 sans 4.
(Crédit photo de Une, une structure de Jean-Marc Aguilar à la Maison Pour Tous © Audrey Villate)