François-André Vincent au musée Fabre jusqu’au 11 mai 2014
Après une étape au musée des Beaux-Arts de Tours, l’exposition “François-André Vincent, un artiste entre Fragonard et David” s’installe au musée Fabre de Montpellier du 8 février au 11 mai 2014. Une centaine d’œuvres et 14 dessins inédits de l’artiste seront présentés dans les salles d’exposition temporaires du musée.
Après la remarquable exposition sur le Goût de Diderot, le musée Fabre propose, à la suite du musée des Beaux-Arts de Tours, une rétrospective monographique autour de François-André Vincent (1746-1816), peintre oublié du XVIIIe siècle, du 8 février au 11 mai 2014. Cette exposition est labellisée d’intérêt national par le ministère de la Culture et de la Communication et fait suite à la publication du catalogue raisonné par Jean-Pierre Cuzin, ancien conservateur général du département des peintures au musée du Louvre, aux éditions Arthéna. Le regain d’intérêt pour les peintres du XVIIIe siècle est directement lié à l’intérêt que l’histoire de l’art de ces dernières années rend compte au travers de la recrudescence des recherches autour des artistes du XVIIIe siècle. Cet approfondissement nécessaire sur des artistes méconnus s’organise depuis 30 à 40 ans et a certainement débuté avec les études menées par Pierre Rosenberg, qui signe ici la préface du catalogue.
François-André Vincent, artiste entre Fragonard et David
Formé à l’Académie de Saint-Luc à Paris, il est nommé Prix de Rome en 1768 et part donc à l’Académie de France à Rome où il séjourne de 1771 à 1775, période où il croise le chemin de Fragonard. En 1777, il rentre à Paris et est nommé premier à l’Académie avec le Bélisaire et l’Alcibiade (tableaux conservés au musée Fabre de Montpellier). Il connait un grand succès jusqu’à la fin de l’Ancien Régime et fut un des seuls grands rivaux de Jacques-Louis David qui finit par le supplanter avant les années révolutionnaires.
Le XIXe siècle délaisse Vincent pour s’intéresser à Fragonard, David ou Géricault et nombre de ses œuvres se retrouvent attribuées aux Grands de son siècle. Pris entre David et Fragonard, il aime en effet les coloris séduisants, les beaux empâtements rappelant ainsi le rococo, à l’inverse de David qui ne recherche que peu de reflets de matières et travaillant avec des couleurs caravagesques. Dans sa peinture historique, Vincent joue des deux. Son Arria et Paetus se révèle très sévère, comme le Brutus de David, exposant une prison noire, ambiance très davidienne. Pour ce qui est de ces portraits d’époque révolutionnaire (1793-1795), on note beaucoup plus d’influences davidiennes avec des fonds crémeux et une composition austère. Les portraits de Vincent sont peints avec un peu plus de séduction mais restent tout de même très davidiens.

(Crédit photo © Musée Fabre de Montpellier Agglomération, cliché F. Jaulmes)
Vincent réalise très peu de scènes de genre, il est plutôt à la recherche du grand sujet ou du portrait. Et quand il réalise des nus, c’est uniquement lorsqu’il doit les intégrer dans ses grandes scènes d’histoire. En effet, à l’instar de Poussin avant lui et de David après lui, Vincent peint le nu sur son esquisse, l’habille et compose ensuite la scène d’histoire. Il traite essentiellement les sujets d’histoire graves, très liés à la politique du moment. Sous l’Ancien Régime, il peint le sujet du Bélisaire dont le texte de Marmotel fut interdit dès sa parution en 1767. De même, pendant la Révolution, il peint Guillaume Tell renversant la barque sur laquelle le bailli impérial Gessler traversait le lac de Lucerne. Ce personnage historique était dépeint dans les écrits de l’époque, au théâtre notamment, comme un révolutionnaire.
Vincent était-il pour autant royaliste ? Non. Il fut opposé à David et le contre-pied fit qu’on l’a assimilé à un royaliste. Il participe néanmoins à la réflexion sur la remise en cause de l’Académie et fut proche des milieux modérés révolutionnaires. Sa sœur fut accusée de conspiration par des lettres trouvées chez des conspirateurs, elle sera alors décapitée. La leçon de labourage (1798) est la seule toile d’une commande de six tableaux que Vincent livra. Ce tableau met en avant le fait que tout homme doit apprendre la relation à la nature, vision très panthéiste et en même temps sujet très social. Il fut un homme engagé dont le regard se posa sur tout ce qui se passait autour de lui, surtout pendant les troubles de la Révolution.
Une prise de parti différente pour le musée Fabre
Michel Hilaire (directeur du musée et conservateur général du patrimoine) et Olivier Zéder (conservateur en charge des collections XVIe-XVIIIe siècle) ont pris le parti de ne pas exposer les dessins conservés au musée de Tours. Sont donc exposés 53 dessins et 57 peintures de provenance nationale et étrangère tels que le Louvre, des musées de province, de Cambridge, Boston, Los Angeles et Saint-Louis. En Europe, l’Albertina de Vienne, le musée de Berlin-Karlshorst notamment. Beaucoup de tableaux proviennent également de collections privées. Le choix a été fait de ne présenter que des tableaux et dessins exécutés par François-André Vincent. Seront néanmoins exposés un dessin de Fragonard conservé au musée Atger représentant Bergeret de Grancourt, un dessin de Berthélémy représentant une caricature de Vincent et un tableau d’Adélaïde Labille-Guiard représentant le peintre, au-delà des peintures conservées par le musée de Montpellier (Bélisaire, réduit à la mendicité, secouru par un officier des troupes de l’empereur Justinien, Alcibiade recevant des leçons de Socrate, La mort de Caton, Saint Jérôme dans le Désert écoutant la trompette du Jugement dernier (ainsi qu’une esquisse du tableau), une Étude de tête de vieillard).

(Crédit photo © Musée Fabre de Montpellier Agglomération, cliché F. Jaulmes)
Ce parcours montpelliérain enrichi d’œuvres majeures du maître est l’occasion de découvrir 14 dessins inédits prêtés par le musée Atger de l’Université Montpellier I et classé au titre des Monuments Historiques. Ces dessins sont intégrés dans les deux premières sections de l’exposition dédiée à Vincent. Le parti du musée Fabre a en effet été de conserver l’organisation chronologique et de présenter l’oeuvre de François-André Vincent en fonction des événements politiques qu’il a traversés. La première section est consacrée aux années romaines de Vincent, d’avant le Prix de Rome jusqu’à sa formation en Italie. Ici prennent place quatre dessins de l’ensemble des « portraits-charges » rassemblés par Xavier Atger, fondateur du musée. La deuxième section de l’exposition est consacrée aux « succès parisiens » du peintre, notamment de 1775 à 1782. Présentés sous la forme d’un cabinet de dessus, on retrouve des dessins préparatoires dont une Étude pour Zeuxis choisissant un modèle parmi les filles de Crotone. Les deux dernières sections concernent la période allant de la Révolution au Consulat (1789-1800) et la période du Consulat à l’Empire, où l’on retrouve les commandes importantes faites au peintre par Joseph Bonaparte.
Au-delà des salles d’exposition, le musée Fabre propose des activités culturelles et pratiques autour de François-André Vincent et de son temps. Des conférences sont organisées à l’auditorium du musée ainsi que dans les maisons d’Agglomération. Dans un cadre plus coopératif, le service des publics du musée propose des rencontres en art et philosophie autour du thème de la citoyenneté, touchant ainsi l’appartenance au groupe à la cité. Des mini-stages pratiques sont également organisés autour du thème « La citoyenneté est-elle un mythe néo-classique ? ». Vous pourrez retrouver également les traditionnelles visites guidées de l’exposition pour les groupes, les familles ainsi que pour des visiteurs en situation de handicap (visites guidées bilingue LSF/français oral ainsi que pour un public aveugle ou malvoyant). L’ensemble des informations sont à retrouver sur le site du musée www.museefabre.fr, ou en téléphonant à l’accueil du musée au 04 67 14 83 00.
(Crédit photo de Une © Musée Fabre de Montpellier Agglomération, cliché F. Jaulmes)