À la Home Street Home de Montpellier, le Street Art a perdu son âme
Vendredi 17 janvier à Montpellier, il fallait faire près de deux heures de queue pour accéder au 765 Rue Centrayrargues. 1 200 personnes, pour la plupart jeunes et branchées, sont venues au vernissage de l’événement « Home Street Home », une villa vouée à la destruction investie par 17 artistes de Street Art qui se sont emparés des lieux à la peinture ou au collage. Mais la question se pose : ce genre de street art, institutionnalisé en galerie, n’a t-il pas perdu son âme ?
Le Street Art est par essence subversif et populaire, puisque réalisé le plus souvent dans l’illégalité et l’anonymat et offert à la vue de tous. Son émergence à la fin des années 60 est poussée par une volonté de réinvention des codes artistiques : on cherche de nouveaux styles picturaux, de nouvelles philosophies. Surtout, il s’agit de sortir l’art du musée pour l’afficher dans la rue, en assumant son caractère fugace.
L’association qui a lancé le Projet FMR, dont la maison « Home Street Home » est le coup d’essai, s’est montée en septembre 2013. Les deux avocats à l’origine de l’expérience, Coralie et Tom, passent un contrat avec le promoteur immobilier Pégase. Ils disposent de la villa jusqu’à début février 2014, date de sa destruction. En une semaine, les 17 artistes sélectionnés vont travailler bénévolement pour transformer la résidence en musée sporadique. Leurs œuvres seront vendues sur le week-end du 18 et 19 janvier et l’association proposera des catalogues au prix de 10 euros et des sérigraphies aux visiteurs, pour rentrer dans ses frais.
Alors, face à l’événement mondain que constitue ce vernissage, la tentation de crier à la trahison de l’esprit du Street Art est forte.

La cuisine par Stoul : tous les placards sont à vendre (Crédit photo : © Grégoire Nartz)
Une exposition qui démocratise le Street Art
Tom, l’un des organisateurs, se défend d’altérer l’âme du Street Art : « Nous avons respecté cet esprit : les œuvres sont éphémères, les artistes n’ont subi aucune censure et l’entrée est gratuite ». Et aux suspicions d’institutionnaliser un art urbain, l’avocat admet : « Home Street Home est à mi-chemin entre un musée et du Street Art pur ».
Le public, qui apprécie unanimement le travail réalisé par les artistes, est bien conscient qu’il existe un décalage entre un Street Art « de rue » et un autre « de musée ». Pour Vincent, ce type d’exposition a l’avantage d’ouvrir cette culture au grand public : « Les galeries mettent les œuvres sur un piédestal. Dans la rue, les gens ne les auraient pas regardées de la même façon ». Eric, connaisseur de Berlin et de ses squats artistiques, trouve qu’il n’y a pas assez d’initiatives de ce genre en France. Il se désole d’ailleurs de la destruction programmée de la villa. Pour lui, la mise au musée du Street Art est le moyen de garder des traces d’un art « qui n’est pas figé, en perpétuelle évolution ». Des commentaires qui montrent un désir de populariser une culture encore limitée à des cercles de connaisseurs, au risque d’en casser les spécificités.

Le bureau des achats (Crédit photo : © Grégoire Nartz)
Une institutionnalisation assumée
Si le principe du projet n’est pas remis en cause par le public, l’aspect mercantile de l’événement a gêné plusieurs personnes rencontrées. Marjorie et Coralie s’offusquent: « C’est abusé au niveau des prix, on sent que les artistes veulent être reconnus ! » En effet, toutes les œuvres sont mises en vente. Les prix sont affichés directement à coté de celles-ci, comme dans une galerie classique. Une pancarte à l’entrée d’un bureau indique : « Si la porte est fermée, c’est qu’un collectionneur achète une œuvre, patience ! ». Alan, d’abord enjoué par le concept de la maison éphémère, en ressort outré : « Le Street Art est censé faire kiffer l’artiste lui-même, sans bénéfice financier ». L’organisation le laisse aussi songeur : « Des gens de l’association sont à l’entrée de chaque pièce pour y faire entrer plus ou moins de gens, on est loin du côté spontané et informel du Street Art ! »

Un couloir par Baubô (Crédit photo : © Grégoire Nartz)
Ces questionnements existentiels, Depose les a pris en compte dans son œuvre. L’artiste sètois a réalisé la « pièce bleue » : une chambre entièrement recouverte de graffitis. Près du plafond, une frise en lettres blanches s’interroge : « Street Art or Graffitis ? » Pour lui, les valeurs du Graff, issu de la culture Hip Hop et résolument urbain, ne sont peut-être pas celles du Street Art : « Faut-il faire la différence? C’est aux gens de le dire ». Il ne semble pas dérangé outre mesure de participer à l’institutionnalisation de son art : « C’est comme le skate ou le tatouage, avant c’était en marge, après ça rentre dans les mœurs. Et forcément, ça perd de son âme. »
il me semble que le street art en galerie ne fait plus bondir grand monde depuis quelques années, ce projet n est pas plus scandaleux qu une galerie comme Montana, tout le monde s accorde a dire que les graffeurs ou autres sont des artistes, pourquoi devraient ils etre condamné a brader leur art dans la rue? apres sur l aspect financier ou autre de Home Street Home, il y a sans doute des choses a redire, comme pour beaucoup de projets qui debutent
C’est toujours pareil avec le street art, les gens s’attendent toujours à retrouver cet esprit d’illégalité. Mais ici, ce n’est pas le cas, arrêtez de vous poser des questions et sachez appréciez l’Art ou au moins les créations de ces artistes. Vous vous offusquez du fait que les oeuvres soient à la vente, mais attendez, personne ne vis d’amour et d’eau fraîche et si ça peut les aider à développer de noveaux projet, moi je dis OUI ! Bref, arrêtez de censurer le street art avec des codes et des idées toutes faites ! Appréciez, point barre !
Il ne s’agit pas de faire de la censure d’un art en rappelant quels sont ses codes. Si ceux-ci existent, c’est pour que l’art en question garde sa qualité et son sens. Ainsi, un Street Art “de rue” n’est pas bradé. Seulement il en dit plus que son cousin ayant cédé aux sirènes de l’argent. Par ailleurs, on peut apprécier un art tout en se posant des questions concernant ses critères d’existance. Si personellement j’apprécie cet art, je trouve dommage de le voir passer d’un cercle restreint d’initié à un autre à peine plus grand de connaisseur: il y avait bien peu de diversité sociologique parmis le publique lors du vernissage… En bref, je déplore l’embourgeoisement du street art, car cela ne lui a rien apporté de bon.