Internationales de la guitare : Rencontre avec Talaat El Singaby
Du 27 septembre au 18 octobre 2014 se tiendra à Montpellier la 19e édition des Internationales de la guitare. Unique en Europe, ce rendez-vous incontournable du Languedoc-Roussillon est réputé pour la qualité de ses programmations, ainsi que pour le caractère qu’il donne à la ville pendant trois semaines. À quelques jours de son ouverture, Le Nouveau Montpellier a rencontré Talaat El Singaby, fondateur et directeur du festival.
Le Nouveau Montpellier : Depuis bientôt 20 ans, cet événement est devenu mythique à Montpellier. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’esprit de ce festival ?
Talaat El Singaby : C’est un festival particulier, différent, tout d’abord par son thème : la guitare. Elle touche tout le monde, c’est l’instrument le plus produit et le plus vendu au monde, elle intéresse de 4 à 114 ans. La guitare est un instrument symbolique de la jeunesse, un jeune qui veut franchir des barrières et se découvrir tout au long de son adolescence choisit bien souvent entre la guitare et la moto. C’est un instrument difficile à maîtriser, quelques notes de Jimi Hendrix et on comprend tout. Regardez Bob Dylan : en seulement trois, quatre notes, il réalise des chefs-d’oeuvre et révèle une émotion chez chacun d’entre nous, ça les jeunes l’ont compris depuis très longtemps. Je n’ai pas besoin de chercher des partitions dans la cave de ma grand-mère pour faire vibrer. Nous voulons raconter ce qui nous touche en musique, parler de ce que nous vivons, simplement.
L’esprit du festival c’est Richie Havens, Joan Baez, Patti Smith…
Ce festival est tourné vers la jeunesse. Vous allez me dire que nous programmons Bernard Lavilliers, certes. Mais de quoi nous parle-t-il dans ses chansons ? Des conditions de la jeunesse d’hier et d’aujourd’hui. Des réalités de nos vies. Il faut avoir des racines et des ailes pour comprendre. Thomas Dutronc, qui est le parrain de notre festival cette année, touche également les jeunes, à sa façon, avec son univers. Vous savez, aujourd’hui, avec les nouvelles technologies, c’est facile de s’occuper, mais il n’y a rien de mieux que de voir un artiste en live. Si les jeunes adhèrent, alors pour moi le pari est gagné. Attirer les jeunes dans les salles de concerts, c’est notre challenge. J’aurais été malheureux dans ma vie si je n’avais pas vu Georges Brassens, Ray Charles ou Joan Baez en live…
Quel est le maître-mot de cette 19e édition ?
Notre festival est aussi facteur de révélation : Olivia Ruiz jouait avec nous avant de partir en tournée des zéniths français avec La femme chocolat. Izia en concert pour la première fois au Rockstore, c’était bien avant de recevoir une Victoire de la Musique. Vous connaissez Caravane Palace ? Pour leur première fois, c’était aussi avec nous à Montpellier. J’ai vu Astor Piazzola, un compositeur argentin, en live. Pour son premier concert en France, il était accompagné d’un jeune guitariste de 19 ans, Tomas Gubitsch. Nous le programmons cette année, évidemment il a pris un peu d’âge depuis… Ce n’est pas de la démagogie tout ça, c’est de l’amour, un retour inespéré pour ces artistes qui nous le rendent bien.
La guitare est un instrument que l’on peut aborder sous toutes ses coutures. Le festival vous propose du blues, tango, classique, rock, flamenco, folk… De la musique jouée par des femmes, des hommes, des vieux, des jeunes, des Américains, des Argentins, des Français, des Brésiliens… On compte 17 nationalités pour le festival cette année. Il y a quelque chose de magnifique dans la globalisation, la culture et la musique n’ont pas de frontières. Et c’est là que le festival joue son rôle, et met le doigt sur des choses claires. Ce festival est à l’image de la communauté étudiante de Montpellier, cosmopolite ! Alors, le maître-mot cette année, c’est l’audace ! Audace car éclectisme, audace car innovation, audace parce que la musique ne doit jamais mourir.
Comment s’articule le festival cette année ?
Accès au festival : Il y a 150 événements, seulement 40 sont payants. Notre concert le plus cher est de 34 euros à l’Opéra Berlioz. Nous avons un partenariat avec le CROUS. Le CROUS propose un Pass’culture et met à la disposition des étudiants plus de 1 000 places à 5 euros ! Moi aussi j’ai eu des enfants, je sais comment cela se passe. Le festival doit être accessible pour tous. Vous pouvez voir des concerts dans la rue, les quartiers, les écoles, les médiathèques, les bars… Pendant trois semaines, la ville de Montpellier respire « guitare ».
Jeune public : Il y a des concerts réservés aux plus jeunes, de 6 mois à 5 ans. Un univers spécial pour les petits, Aldebert en live c’est extra !
Les 24h démentes (les 11 et 12 octobre) : Samedi à 10h du matin, top départ pour des performances insolites dans des lieux insolites. De la guitare pendant 24h non-stop, il va falloir tenir le coup les jeunes ! Avec entre autres : Michel Cloup Duo, Wall of Death, Tallikster, Blues Boys Dan Owen… Programmation et parcours détaillé sur www.les-ig.com
Réservoir Rock : (notons le petit clin d’œil à Tarantino) Des groupes de rock indé investissent le Rockstore pendant trois jours et offriront au public une véritable expérience de rock alternatif les 8, 9 et 10 octobre.
Partenariat avec le Café Joseph : Vous aimez la guitare et boire un verre entre amis ? C’est la formule idéale les jeudis, vendredis et samedis pendant tout le festival. Le Café Jo’ vous offre une programmation au top ! Entre autres : Michael Jones, Boulevard des Airs, Gary Dourdan, Greg Laffargue…
Quelle est votre vision de la musique en général ?
La musique ça se vit, ça va plus loin que ce que l’on pense. Vous vous rappelez de la chanteuse Amy Winehouse ? Elle chante depuis son plus jeune âge, elle n’a fait que chanter, chanter, et encore chanter pendant toute son enfance. La musique c’est ce qui l’a fait vivre, et malheureusement ce qui l’a fait mourir. Cette femme nous prouve que la musique peut être tellement intense qu’on n’y résiste pas. Et elle n’est pas un cas insolé. Jimi Hendrix, à quel âge est il-mort ? 27, 28 ans ? Pourtant c’était un génie, la musique était pour lui bien plus qu’une passion. Chacun a son approche de la musique. Aujourd’hui, quand vous regardez la télévision, lisez le journal, vous n’avez que des mauvaises nouvelles. On nous répète sans cesse que ce monde va mal. La musique dit au monde que la vie est belle. Ce festival montre que pendant au moins trois semaines, la vie est belle.
Pourquoi avoir choisi la ville de Montpellier pour ce festival ?
Ahhhh, Montpellier et sa région… Ici c’est la région de Georges Brassens, ici c’est le pays des Gipsy ! La guitare a sa place ici depuis très longtemps. C’est ici que réside la plus grande communauté gitane de France, notre festival est ici chez lui.
Quel est votre plus beau souvenir du festival ?
Tout. Absolument tout. Je peux vous répondre que ce qu’il y a de meilleur pour moi, c’est à la sortie des concerts, quand les gens viennent me dire « merci ». Ce que je ressens à ce moment-là est indescriptible.
Auriez-vous un conseil à donner aux jeunes Montpelliérains pour faire perdurer cet engouement pour la culture dans notre ville ?
L’homme a besoin de se cultiver pour vivre. La culture c’est vaste, elle ne réside pas seulement dans la musique. Elle peut être culinaire, musicale, artistique, littéraire, sportive… L’homme doit avoir une passion, s’intéresser à différentes choses, autres que ses besoins primaires. C’est ce qui nous différencie de l’animal, n’ai-je pas raison ?
Programmation : http://www.les-ig.com/programme/
Billeterie : https://internationalesdelaguitare.fnacspectacles.com/
(Crédit photo de Une : © David Rongeat)