Les jeunes homos du Refuge s’exposent pour « Des Hommes et des Elles »
Début novembre, l’exposition « Des Hommes et des Elles » a vécu un vernissage plein d’émotion. Cette exposition est le fruit de la collaboration de l’association Le Refuge, une association qui lutte contre l’isolement des jeunes, avec de nombreux professionnels. Les instigateurs remettent ça en décembre à la Maison de la Prévention et de la Santé.
13 personnes ont travaillé sur ce projet : graphistes, photographes, peintres ou auteurs, tous en collaboration avec l’association Le Refuge, une association qui accueille de jeunes homosexuels exclus de leur famille. L’idée d’origine, c’est Sandra, artiste peintre, qui l’a eue. Lors de son petit discours d’inauguration, elle raconte comment elle souhaitait aider les jeunes du Refuge à reconstruire l’image cassée qu’ils avaient d’eux-mêmes. Émue, elle a voulu remercier tous les participants à son projet, les nombreux contributeurs sur internet, les artistes, les jeunes du Refuge qui ont participé, le Refuge lui-même, qui a cru en son projet, et bien sûr les acteurs institutionnels, notamment la mairie où se tenait cette première exposition.
Hélène Mandroux : « La mairie est un lieu en passe de devenir historique »
Lors du discours d’inauguration, Frédéric Gal, directeur général du Refuge, a souligné lors de son intervention que « cette exposition montre que, quelle que soit sa différence, on peut vivre ; que les jeunes du Refuge, au-delà de leur sexualité, il faut leur montrer qu’ils sont beaux, et cette exposition y parvient ». Pour lui, il est évident que le résultat est à la hauteur de l’investissement de tous les participants.
Annie Benezech, adjointe déléguée à la lutte contre l’exclusion, a eu des mots forcément plus politiques : « J’ai un peu honte d’être française quand je vois qu’on traite mal les gens ! Pour moi, l’association devrait disparaître, on ne devrait pas avoir besoin d’elle ! » Hélène Mandroux a abondé dans son sens en rappelant la montée actuelle du racisme et de l’intolérance, alors que « ces jeunes, ils sont beaux, c’est tellement évident ». Elle qui, médecin de formation, a reçu dans son cabinet des jeunes en difficulté à cause de leur sexualité. Elle a d’ailleurs déclaré que « la mairie est un lieu en passe de devenir historique », et ce devant un public fourni dans lequel on a pu voir Bruno et Vincent, le premier couple de même sexe marié légalement en France, le 29 mai dernier.

Les photos des jeunes du Refuge par Miss Buffet Froid
(Crédit photo : © Audrey Villate)
« Le plus grand danger vient de l’espèce humaine »
Lorsque le public a été invité à prendre le verre de l’amitié, celui-ci a été accompagné de musique avec de la guitare et un piano. Au chant : Marina, une jeune accueillie par le Refuge. Le public est invité à découvrir les œuvres accrochées. Très fortes, les images – peintures et photos – interpellent. Les jeunes du Refuge ont posé pour les artistes et la personnalité de chacun d’eux ressort. Tous sont émouvants. Des textes, encadrés, sont en fait des témoignages recueillis par l’écrivain Isabelle Israël. Ces témoignages qui montrent de la souffrance : « D’ailleurs, à 15 ans, j’ai fait une tentative de suicide. Je passe un message à la mort : je n’ai pas peur de toi.» Ainsi que des messages contre l’intolérance : « Le plus grand danger vient de l’espèce humaine. »
Cette exposition révèle notre part d’humanité en découvrant ces œuvres. Il est difficile de rester insensible face à ce que l’ont pourrait appeler une « mise à nue ». Les réactions entendues abondent dans ce sens, la diversité des œuvres exposées et l’émotion attachée à chacune sont admirées par tous.
Parmi les admirateurs, un jeune responsable du groupe Homosexualités et socialisme à Montpellier, apprécie également le projet : « On lutte contre les discriminations. On est un satellite du PS, on a poussé le PACS en 2004, la loi contre l’homophobie et l’engagement 31 de François Hollande sur le mariage et l’adoption. Là, on veut faire des propositions pour les municipales. » Il est ici dans son élément, dans ses revendications, car ça va plus loin que l’art.

Les participants au projet
(Crédit photo : © Audrey Villate)
Un projet mobilisateur
En privé, Sandra, l’initiatrice du projet, explique qu’elle est allée vers Nicolas Noguier et Frédéric Gal, respectivement président et directeur général du Refuge, qui ont de suite adhéré à son projet artistique. Son but : aider les jeunes à se reconstruire. Sandra a lancé un appel sur Facebook, comptant sur son réseau pour recruter des artistes qui accepteraient de s’investir. Photographes et peintres ont répondu présent. « Ils sont venus spontanément, avec le bouche à oreille. On a eu 15 graphistes qui se sont proposés alors qu’on n’en avait besoin que de 4 ou 5, on a dû en refuser ! » La suite du projet, c’est « en décembre à la Maison de la Prévention et de la Santé, parce que c’est le mois de la sexualité ; il y aura un vernissage de l’exposition le 12 décembre avec un théâtre forum à 18h30 ». Ce projet sera étalé sur un an. Lors de son discours, Sandra n’a pas caché ses moments de doutes et les obstacles rencontrés. L’expérience a été éprouvante mais son sourire resplendissant dit que ce ne sont que des souvenirs dont elle rira avec le temps.
Parmi tous les artistes qui ont participé à ce projet, Miss Buffet Froid, photographe, avait envie de travailler depuis longtemps avec les jeunes du Refuge. Quand Sandra lui a proposé, elle a accouru : « Ce projet répondait vraiment aux thématiques auxquelles je m’intéresse, je me questionne beaucoup sur le plaisir, le bonheur, le genre… Comment je peux être heureux ? » Plus concrètement, elle a shooté 4 jeunes du Refuge et forcément, la personnalité des uns et des autres a joué : « C’est compliqué d’être devant l’objectif. Chaque photo est le reflet de la personne, de ce qu’elle voulait me montrer, mais j’ai voulu leur montrer ce qu’ils ne soupçonnaient pas. Il a fallu s’apprivoiser, comme dans Le Petit Prince. J’ai été touchée par ce qu’ils donnaient. » Elle souhaiterait que le projet continue. Mais après, c’est une question de temps et de moyens.

Marion Jaillot, Mamishka
(Crédit photo : © Audrey Villate)
Marion Jaillot, photographe également, raconte comment elle est entrée dans ce projet : « C’est un ami qui m’a parlé de Sandra, j’ai rallié deux autres photographes : Daming et Fred Trobillant. » Les jeunes ont rempli des fiches de renseignements afin que les photographes les connaissent mieux, ils se sont rencontrés et ont pu nouer des liens entre eux. Daming, un des deux que Marion a embarqués dans l’aventure, dit combien tout s’est fait assez naturellement. Ils sont allés tous ensemble prendre des photos en extérieur, les jeunes ont pris des poses et le contact humain s’est fait. Même s’il regrette de n’avoir pas pu travailler avec les jeunes qui avaient attiré son attention au départ de l’aventure.
Du côté du Refuge
Le directeur général nous a expliqué à quel point il a approuvé le projet les yeux fermés et combien il était fier de la qualité artistique de l’exposition : « On accepte tous les projets qui sont pour une éducation populaire comme celui-ci, les jeunes s’y sont engouffrés. Le projet a plu et ça a été suivi. Ils étaient ravis, ils se sont investis et là, ils se voient admirés. Nous sommes ravis de voir autant de monde au vernissage, il y a des gens qui ne sont pas concernés par l’homosexualité qui sont là. » Le Refuge, c’est avant tout une association reconnue d’utilité publique qui accueille et loge des jeunes homosexuels exclus et rejetés, leur proposant un accompagnement sur 6 mois ou 1 an avec une aide au niveau social, psychologique, mais également une aide à la réinsertion professionnelle. « Au niveau national, on accueille 114 jeunes par an, sur Montpellier on est à 34. Il y a 3 salariés sur Montpellier, 8 au niveau national. On a 12 sites en tout et des bénévoles. »

(Crédit photo : © Audrey Villate)
Certains modèles étaient présents au vernissage, ils ont pu voir les gens regarder les photos où ils apparaissent. Julien, 19 ans, a tenu le stand de l’exposition durant toute la semaine au sein de la mairie. Il a été accueilli par le Refuge le 6 juin 2013. Ce jeune homme révèle que, grâce à ce projet, il a gagné en estime de lui : « J’aime poser, je vais essayer de devenir mannequin. » Quand on lui demande ce que ça lui fait de voir autant de monde regarder les photos sur lesquelles il est : « J’ai du mal mais je suis fier ! » Marina, 24 ans, est une ancienne du Refuge, accueillie en décembre 2012. Elle est sur le départ mais a tenu à participer au projet : « J’ai toujours une aide psychologique et je participe toujours aux actions. Là, je voulais montrer une autre facette de moi, ne pas penser aux problèmes. Je suis musicienne à la base, j’ai écrit une chanson sur le Refuge, pour les remercier. » C’est d’ailleurs elle que le public a pu entendre chanter, accompagnée au piano par Marion, avec qui un lien très fort s’est noué. Et maintenant, Marina ? « Je suis une formation en B.E.P. « Accompagnement, soins et services à la personne », j’ai toujours voulu aider les autres ! »
En bref, cette exposition est composée d’art, d’amour, de tolérance, d’échanges, d’entraide mais surtout, c’est une belle aventure humaine. À découvrir en décembre à la Maison de la Prévention et de la Santé, rue Maguelone, avec un vernissage le 12 décembre.
(Photo de une : Sandra, artiste peintre – © Audrey Villate)