Pesticides: un Bar des sciences pour mieux digérer le problème
Le Bar des sciences de Montpellier, événement citoyen sur la culture scientifique, a repris ses activités depuis le jeudi 25 janvier dernier. Co-produit par l’Université de Montpellier et la COMUE Languedoc-Roussillon Universités, le Bar des sciences a débuté sa saison sur la problématique des pesticides et ses impacts dans le corps humain.
“Quand on croque une pêche, elle a déjà subi plus de 33 passages de pesticides“, annonce Pierre Charnet, directeur de recherche CNRS à l’Institut des biomolécules Max Mousseron. La salle de la brasserie Le Dôme était pleine à craquer jeudi soir pour le premier Bar des sciences de 2018. Le thème de cette rentrée scientifique ? ” Pesticides : les abeilles perdent la tête. Et chez nous, ça tourne rond ?” Un problème sociétal bien plus important qu’il n’y paraît, puisque l’impact des pesticides a tendance à être sous-estimé.

Charles Sultan rappelle les deux scandales sanitaires liés aux pesticides, dont celui du Distilbène. © Agnes Pesenti
Pour animer le débat, Pierre Charnet était accompagné de Véronique Perrier (chargée de recherche CNRS au Laboratoire des Mécanismes Moléculaires dans les Démences Neurodégénératives de Montpellier) et par Charles Sultan, professeur d’endocrinologie pédiatrique au CHU de Montpellier. Tous les trois ont répondu aux différentes questions que le public se posait autour de l’impact des pesticides sur les abeilles, mais surtout sur les humains.
“À cause des pesticides, on estime que 10 à 15% de la population mondiale possède moins de 80 de Q.I.”

Pierre Charnet explique que les pesticides ne sont pas les seuls dangers pour les abeilles. © Agnes Pesenti
Pour Charles Sultan, c’est clair, il faut interdire complètement l’usage de ces produits chimiques. En tant que chercheur et pédiatre, il s’est exprimé sur l’effet des pesticides concernant les femmes enceintes et les nourrissons. “Le placenta est une éponge qui va conserver une trace de tout ce que la mère boit ou mange. Pire, ces produits chimiques vont dans certains cas directement modifier les gènes du fœtus. On peut même se demander si le cancer du sein chez les jeunes femmes n’est pas dû à une modification dans le fœtus.” Mais si cet effet est connu, la suite l’est beaucoup moins. “Chez les animaux contaminés, nous avons observer une modification des gènes sur 7 générations.”
Et sur ce dernier point, c’est Véronique Perrier qui prend le relais. “Nous avons étudié le lien entre maladie d’Alzheimer et produits phytosanitaires sur des souris. Elles sont soumises à la dose limite (0.1microgramme par litre) que l’on peut trouver dans l’eau.” Elle prend une longue inspiration avant d’enchaîner. “Nous avons remarqué de graves inflammations dans le cerveau des souriceaux, alors qu’ils n’avaient que trois jours seulement. De plus, leurs cellules souches ont été affectées. Tout ça empêche la création de neurones matures.” Autrement dit, les prochaines générations de souris seront plus sensibles aux maladies dégénératives comme Alzheimer ou Parkinson.
Un effet similaire peut être aperçu chez les humains puisque Charles Sultan complète la réflexion : “à cause des pesticides, on estime que 10 à 15% de la population mondiale possède moins de 80 de Q.I. Un risque d’obésité supérieur a été détecté, ainsi qu’une baisse de la production de spermatozoïdes chez l’adolescent.” Rien que ça !
Les abeilles : première alarme de l’impact des pesticides !
Si la partie la plus importante du débat était centrée sur les dangers pour les humains, les abeilles ont beaucoup accaparé la discussion. En effet, l’impact des pesticides n’est pas visible directement sur l’Homme. Mais sur les abeilles, c’est une autre paire de manche. “Les “services” qu’elles fournissent à la Terre sont estimés à 160 milliards de dollars. Si elles disparaissent, il faut être sûr de pouvoir palier ce manque économique, et surtout écologique. Certains groupes sont en train de travailler sur des mini-drones pouvant les remplacer.”
Aujourd’hui, le maximum que peuvent faire les apiculteurs, c’est d’essayer de protéger leurs ruches. “On évite d’aller dans les champs de colzas ou de tournesols, car ils sont beaucoup trop enrobés.” Mais la disparition des abeilles n’est pas uniquement dû aux produits phytosanitaires. L’impact humain, ou l’apparition d’autres insectes dangereux comme le frelon asiatique sont aussi à prendre en compte. “C’est simple, malgré tous mes efforts pour protéger mes abeilles des pesticides, j’ai perdu la moitié de mes ruches à cause du frelon asiatique“, déplore Pierre Charnet. Tout cela pose un dernier problème : comment se débarrasser d’un insecte nuisible sans impacter les autres organismes vivants et sans utiliser de pesticides ?