Plan étudiants : vers une intensification de la mobilisation étudiante ?

Des étudiants bloquent l’Université Paul-Valéry le 15 février dernier pour protester contre le Plan étudiants. © Sylvain Arnaudo
Alors que la loi pour l’orientation et la réussite des étudiants, dite loi Vidal, a été adoptée définitivement par le Parlement jeudi 15 février, de nombreux mouvements étudiants émergent un peu partout en France. A Montpellier, l’Université Paul-Valéry est bloquée paralysant ainsi toutes les activités du Campus. La ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, se veut rassurante et a engagé le dialogue à travers le Tour de France des parcours de réussite.
Paralysie totale de l’Université Paul-Valéry Montpellier jeudi 15 février. Des étudiants organisés ont bloqué tous les bâtiments du Campus afin d’empêcher personnels et étudiants d’accéder aux cours. Chaises, tables et cadenas empêchaient en effet toutes personnes d’entrer dans les locaux, obligeant ainsi le Président de l’Université Paul Valéry, Patrick Gilli, à annuler tous les enseignements jusqu’au vendredi 16 février, jour de début des vacances d’hiver.
Un appel à « lutter contre le Plan étudiants »
Le ton est donné par le syndicat Solidaires étudiants, qui appelle à lutter contre le Plan étudiants. L’Assemblée Générale du jeudi 15 février a réuni des centaines d’étudiants autour d’une décision finale unanime : continuer le blocage de l’Université jusqu’au lundi 26 février, jour de rentrée. Une manifestation a également été organisée avec les lycéens d’Agropolis pour se faire entendre.
Vous etes… plein !
Plus grosse AG sur l’université Paul Valéry depuis un moment ! pic.twitter.com/GQbAW4dLx7— Solidaires étudiant.e.s 34 (@SolidairesEtu34) 15 février 2018
Malgré la forte mobilisation de la semaine dernière, de nombreuses voix s’élèvent contre l’action des blocus des universités françaises dont celle de Paul Valéry. C’est le cas du syndicat Uni qui « rappelle que les blocages des universités sont interdits par la loi » et qui a lancé une pétition pour les arrêter, mais aussi de l’ADEM UM3 qui n’est pas satisfait du « moyen de mobilisation, à savoir, le blocage de l’université ».
Du côté des jeunes avec Macron de l’Hérault, Charlyne Péculier dénonce le blocus ainsi que la légitimité de l’AG du jeudi 16 février : « comment expliquer que sur les 500 personnes qui ont voté le blocus, il y avait une centaine de lycéens ? Ce n’est pas normal » pouvait-on lire dans l’édition papier du Midi Libre du 17 février dernier.
Pour apaiser les tensions, le président de l’Université Paul-Valéry, Patrick Gilli, a banalisé les cours du mardi 27 février de 14h à 16h afin d’organiser un débat entre les étudiants et le personnel, concernant le Plan étudiants. L’objectif est de casser les idées reçues et les fausses informations qui circulent afin de rassurer les étudiants concernant la rentrée 2018.
Le dialogue est aussi prôné par les jeunes élus de l’AGEM qui discutent avec les Universités de Montpellier et les étudiants : les élus « restent attentifs sur certains aspects du projet Plan étudiants et particulièrement les filières sous tension et le budget. »
Avec les vacances de février, la mobilisation s’est logiquement essoufflée, les syndicats étudiants et notamment Solidaires étudiants, se font silencieux face à la presse. Alors qu’on observe un certain effacement de solidaires lors des comités de mobilisation à l’Université Paul-Valéry, certains membres du mouvement se questionnent sur le positionnement du syndicat concernant la poursuite de la mobilisation à Montpellier. Un certain doute se fait ressentir au sein du mouvement contre le Plan étudiants, laissant présager une nouvelle mobilisation pour lundi prochain autre qu’un blocage tant décrié.
Tous les regards sont maintenant tournés vers la journée du lundi 26 février pour voir si le mouvement parviendra à réunir autant de monde que le premier jour du blocage. Une AG étant prévue à 10h pour voter une possible reconduite du blocage.
Défendre le Plan étudiants pour la rentrée 2018
Dans une volonté d’apaisement, la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, était présente à l’Université de Montpellier vendredi 16 février dernier. La ministre y a tenu un discours rassurant concernant la rentrée de 2018. Un état des lieux des Universités d’Occitanie a permis de présenter les points forts des dispositifs mis en place pour les étudiants ces dernières années. C’est le cas de l’Université Paul-Valéry Montpellier qui défend son dispositif de « semestre renouvelée » afin que l’étudiant en première année rattrape son retard sans pour autant passer par le redoublement.
Discours de Frédérique Vidal @sup_recherche « ce tour de France vise à recenser ce qui est fait dans les universités pour la réussite des étudiants » pic.twitter.com/qOjGarbp4k
— Université de Montpellier (@umontpellier) 16 février 2018
La ministre a mis un point d’honneur en expliquant sa réforme sera centrée sur l’accompagnement des étudiants : « le Plan étudiants propose des dispositifs qui concerneront beaucoup d’étudiants dans les années à venir. » Parmi ces dispositifs, on retrouve ParcoursSup lancé depuis le 15 janvier 2018. En plus de recueillir les vœux des lycéens souhaitant intégrer la première année de Licence, la ministre précise que la plateforme permettra « de développer et de faire valider l’aide à la décision. » Ainsi chaque futur étudiant sera accompagné dans sa démarche et ne recevra plus de simples refus de l’administration de l’Université et connaîtra « ce qu’un professeur de première année de telle licence estime ce qu’il doit avoir acquis pour accéder à cette formation. »
En plus de l’accompagnement, la question des filières en tension a été soulevée. La ministre précise que 160 filières en tension ont été recensées l’an dernier et que pour la rentrée 2018, « des financements leur ont été dédiés pour ouvrir 22 000 places supplémentaires. »
.@VidalFrederique : “Plus de 160 filières en tension l’an dernier et on a dédié des financements pour ouvrir 22 000 places supplémentaires dans ces filières. Ça était le cas ici en #Occitanie c’est pour cela qu’on a ouvert une antenne Staps à l’@unimesfr” #PlanÉtudiants pic.twitter.com/UI3j1MzmOD
— LeNouveauMontpellier (@LeNouveauMtp) 16 février 2018
L’Occitanie n’est pas épargnée par ce phénomène avec notamment la faculté STAPS de Montpellier qui était en grève en septembre dernier. Les étudiants réclamaient de meilleurs moyens pour endiguer la surpopulation étudiante. Raphaël Degremont étudiant de STAPS à Montpellier et représentant de l’ANESTAPS n’a pas hésité à interroger la ministre en lui demandant comment intégrer les milliers d’étudiants concernant la filière STAPS : « On a décidé d’ouvrir une antenne STAPS à Nîmes » répond la ministre, « et de réouvrir certaines formations comme les DEUST et des formations initiales dans les CREPS pour essayer de répondre à toutes les demandes autour du métier du sport. »
Cela n’a pas satisfait complètement Raphaël Degremont qui a déclaré à la fin de la conférence auprès du Nouveau Montpellier « même si cette loi va dans le bon sens avec l’ouverture d’antennes et l’augmentation de places dans les UFR, il n’y a aucune garantie concernant le fléchage du budget » qui est la principale revendication des UFR dont celle des STAPS.
Toutefois, pas question pour la ministre de parler de critères de sélection, c’est avant tout « de l’information supplémentaires données aux lycéens afin qu’il puisse se préparer avant l’entrée en licence. » Cela est vu d’un autre œil par les organisations syndicales, ainsi Raphaël Degremont décrit une sorte de sélection déguisée dans les filières notamment sous tension : « un étudiant qui n’aura pas assez de points en sport ou en science, par exemple, pourra être refusé en licence de STAPS ».
.@VidalFrederique “concernant #ParcoursSup, en aucun cas il ne s’agit de critères de sélection, c’est surtout de l’information donnée aux futurs étudiants” #Montpellier pic.twitter.com/0OSlWuvaVm
— LeNouveauMontpellier (@LeNouveauMtp) 16 février 2018
Même discours du côté du Syndicat de Combat Universitaire de Montpellier (SCUM) qui dénonce un « tri social » de la part de l’Université Paul Valéry. Le Conseil des Etudes et de la Vie Etudiante (CEVU) du mardi 9 janvier a en effet instauré des « attendus locaux » dans chaque filière pour la rentrée 2018. Les attendus locaux « sont les critères de sélection que chaque université définit librement afin de sélectionner ses futurs étudiants en première année de Licence » explique le Syndicat, « ainsi, l’Université Paul-Valéry exige des bacheliers d’avoir le BAFA ou bien une formation payante pour certaines licences. »
La grande majorité des syndicats étudiants reste vent debout contre toute sélection à l’Université et certains se tiennent prêts à un bras de fer avec la ministre Frédérique Vidal concernant le Plan étudiants. Une réforme considérée par ses détracteurs comme une sélection déguisée à l’entrée du parcours en licence. Un dialogue au sein de la communauté universitaire qui sera donc compliqué à instaurer pour mener à bien la loi sur l’orientation et la réussité des étudiants.