Renc’Art au Démineur Tour de Médine
Revêtu des teintes de la pochette du nouvel EP de Médine, c’est à l’arrière d’un semi-remorque qu’a lieu la tournée du rappeur havrais : le Démineur Tour. Remerciements à l’association Uni’sons pour leur partenariat avec l’évènement.
Médine et son chandail « République »
De l’extérieur, on pouvait voir, lors de la fin de la première session du concert, la paroi plastique du camion se balancer au rythme buriné des basses. Deux morceaux plus tard, Médine sortit du camion. Souriant comme s’il venait de remplir une tâche nécessaire et importante, il portait un t-shirt où était écrit dans la calligraphie des stations de métro parisiennes « Nation ». Il s’enquit d’aller changer son haut trempé au fond d’une camionnette. Il en ressortit avec un chandail du même style sur lequel était cette fois inscrit le mot « République ». Derrière lui, on pouvait lire d’une écriture blanche et saccadée « Ici République et Nation c’est que des stations de métro ».
Le soleil venait de se coucher et la deuxième session du concert allait commencer. La cinquantaine de personnes présentes faisait son entrée à l’arrière du poids lourd pour une mise en quarantaine d’une heure et demi. Arrivé à l’intérieur du camion, le public semblait à la fois excité mais également sceptique sur cet endroit.
Les étudiants croyaient reconnaître l’arrière-salle des sous-sols des pubs montpelliérains où jouaient, à des heures tardives, des rockeurs et jazzistes issus de l’underground des bas-fonds urbains. Médine en était pourtant loin. Cet intérieur de camion installait donc une véritable proximité entre l’artiste et son public. Le rappeur arriva sur la mini estrade accompagné de deux de ses collègues de scène, que l’on apercevait régulièrement dans ses clips musicaux.
Maître d’école refoulé ?
Le Normand à la dégaine de viking moderne présenta son ambition pour la soirée : « On est là pour essayer de désamorcer des problèmes qui nous compliquent la vie. Qui nous stressent. Qui peut-être nous font nous replier sur nous-mêmes. » Il parlait sur un ton grave. Le même ton qu’un maître d’école emploie en cours d’histoire sur un sujet qui le passionne, le fait vibrer.
Le thème des tensions communautaires est un sujet épineux, agaçant et, comme tous les sujets qui dérangent, en rire, dans un certain cadre, c’est déjà se hisser au-dessus. Penser au-delà du problème. Médine l’a bien compris et il fit rire les spectateurs à plusieurs reprises. Il maniait le comique de situation avec une ironie provocante. Après quelques blagues et une pincée d’autodérision, il demanda au DJ d’envoyer la tonalité en annonçant, dès le départ, la couleur : « À la fin du premier son, vous serez sur les rotules. » Le docker havrais voulait secouer ces timides Montpelliérains.
À la fin du premier morceau, il s’exclama : « Bah voilà, vous êtes sur les rotules ! » Le public était, il est vrai, assez calme. Mais l’ambiance de proximité du semi-remorque, étroite et solennelle, s’y prêtait à l’évidence plutôt bien. Les sons s’enchaînaient et le colosse nordique se déchaînait avec une énergie de boxeur, micro en main. Les traits de son visage de trentenaire se tiraient lorsqu’il rappait, laissant transparaître une colère qu’il exprimait mi-railleur mi-hargneux. Son flow percutant et puissant était efficace à l’oreille. A plusieurs reprises, il demanda au public de lever la tête. Le concert se jouait à toit ouvert et les étoiles scintillaient d’une lointaine blancheur au-dessus des passagers du bahut. “On est pas bien là?” s’écria le rappeur. Et il leva à son tour les yeux vers les astres, comme pour s’emplir de leur douce lueur.
Reconnu pour ses textes engagés et son art du contre-pied, Médine l’est un peu moins sur la vaste thématique qu’est « la barbe ». Pourtant, c’est bien un éloge de sa pilosité faciale qu’il nous sert en plein milieu du concert quand son compagnon de scène, Alivor, nous explique que la barbe c’est bon pour le Père Noël et que « les vrais » portent des locks.
Exploseur de barrières entre communautés
Outre ces facéties, le rappeur normand est surtout un démineur qui explose, à la force de sa voix, les barrières entre communautés. On croit même déceler, parfois, un véritable patriotisme chez le Franco-Algérien de 32 ans. Après son concert, Médine confia ne plus croire en la politique. Celle que l’on nomme avec un grand « P » et qu’on qualifie parfois de politique politicienne. Notre Rick Ross normand table davantage sur l’action locale pour sensibiliser la jeunesse, surtout en banlieue. En cela, Médine fait écho aux dires d’un autre Normand, philosophe rural pour sa part : Michel Onfray.
Artiste microphonique controversé, Médine est le genre de personnage qui, à l’image d’un Malcom X, donne l’impression, lorsqu’on l’écoute dérouler son discours, que ses paroles résonnent dans l’histoire immédiate. Evidemment, quand Médine nous sert sa soupe, on ne boit pas chacune de ses paroles comme du petit lait. Médine clive. Il fera encore grincer des dents à plus d’un. Mais c’est le propre de son rap. Un coup de poing sur la table.
(Crédit photo de Une : © 20 Minutes)