Grand Débat du LNM : les jeunes et le journalisme
Jeudi 31 janvier, Le Nouveau Montpellier organisait son AG annuelle, ainsi qu’une réunion dans le cadre du grand débat national. Au programme, une discussion autour des jeunes et du journalisme, avec le témoignage de personnes présentes dans l’audience et des différents apprentis journalistes de notre association.
Alors que les gilets jaunes entament leur treizième jour de manifestation partout en France, diverses discussions et débats ont lieux dans les différentes villes. Mercredi 30 janvier, pendant plus de 3h30 à la mairie de Montpellier, chacun est venu proposer des idées, expliquer son point de vue ou simplement discuter et échanger. Au Nouveau Montpellier, nous avons également décidé d’organiser notre propre séance de Grand Débat National. Étaient présents au Faubourg Partagé des représentants civils et des jeunes membres apprentis journalistes de l’association pour discuter autour d’un point commun : le journalisme. Tous ont pu échanger autour de ce thème, de l’image que renvoient les journalistes et les médias au sein de notre société.
#LNM Assemblée générale de l’association suivie d’un #GrandDebat sur les #Médias au Faubourg #Montpellier. Restitution à venir pic.twitter.com/yExnm2puja
— LeNouveauMontpellier (@LeNouveauMtp) 31 janvier 2019
Journalisme : une crédibilité au plus bas
Un regard très critique est sorti lors des échanges sur le milieu du journalisme, à l’instar d’une grande majorité de français de plus en plus méfiants à l’égard des médias. En effet, selon le baromètre annuel sur la confiance des Français dans les médias établi par l’institut Kantar pour le journal La Croix, la majorité des sondés doutent de l’indépendance des journalistes. Les interrogés sont 69% à penser que les journalistes ne résistent pas aux pressions des politiques, et 62 % aux pressions d’argent.
Un sentiment partagé lors du débat organisé par LNM et Thierry Tsagalos – le créateur du groupe Facebook « Montpellier Politique » – expliquant ce sentiment de défiance pour les médias par leur « connivence » avec les politiques et les grandes entreprises aux intérêts économiques privés. Un avis rejoint en partie par Alexia considérant auparavant que les journalistes étaient « plus des communicants qui exprimaient une opinion. »
Le jugement est encore plus sévère concernant les chaines de télévision dont la crédibilité est fortement entachée. « On en est presque à dire que si ça passe (ndlr : les infos) sur TF1 ou BFM, c’est que c’est faux (…) On en est là ! » déclare Thierry Tsagalos qui qualifie le contenu de ces médias, de mauvaise qualité et basé en grande partie sur du « storytelling ».
Un point de vue qui diffère selon les générations, particulièrement pour la jeunesse qui consomme autrement l’information. Avec l’avènement du digital et l’instantanéité des réseaux sociaux, les médias doivent impérativement innover pour attirer l’attention de cette catégorie de la population. Un élément qu’Ewan exprime sans détour en indiquant « Pour s’intéresser à l’information, on est obligé de passer par le divertissement ». « Mais le storytelling est-il en soi une mauvaise chose ? Où est le mal à apprendre une information en s’amusant ? » continue-t-il. De là à dire si ce mélange des genres provoque le phénomène d’« idiocracy » au sein de nos sociétés et que la fin du métier de journaliste est proche ?
Si le peu de règles présentes sur le numérique a fait croître les Fake News, elle peut-être également une chance d’instaurer un nouveau souffle pour le journalisme notamment par la voie citoyenne. Lisa explique « avant l’info était reçu comme quelque chose de véridique. Avec le numérique, il y a une question de source qui a été posée. Maintenant, on a un automatisme quant à la vérification de source ».
Une prise de conscience ou de responsabilité citoyenne qui a amené un regain d’intérêt pour l’information. Sur le sondage 2019 de Kantar-La Croix, on observe que les français s’intéressent de plus en plus à l’actualité avec 67% des sondés déclarant suivre les nouvelles avec grand intérêt (+5 par rapport à 2018).
Éducation aux médias : un enjeux crucial ?
Une situation qui pourrait amener les français à s’engager sérieusement dans l’éducation aux médias et connaître davantage les problématiques du journaliste sur le terrain. Une réalité bien loin de certains fantasmes que nos apprentis-journalistes ont découvert lors de leurs activités pour Le Nouveau Montpellier. Par exemple, l’écriture d’un article est bien moins simple que l’on pourrait le penser. Ilyes explique clairement que « ça paraissait un peu plus simple de formuler les choses (…) Je me disais qu’écrire un article par jour, c’est facile à faire. Mais au fur et à mesure, je me suis rendu compte que c’était un travail de long haleine.» (CF son article sur le grand débat national) Même son de cloche pour Alexia « Je pensais que c’était beaucoup plus simple d’écrire. Rien que pour un simple mot, tu es amené à faire des recherches, des vérifications.» (CF son article sur l’interdiction des cirques avec animaux) Ou encore Anaïs, qui explique avoir eu une « prise de conscience sur la difficulté à mettre en avant les problèmes. C’est facile de voir les soucis, c’est beaucoup plus difficile de mettre en avant les solutions. »
Ces échanges ont soulevés beaucoup de questions auprès de la partie civile et des apprentis journalistes de l’association. La réalité du journaliste de terrain et du journalisme est bien différente. Victimes d’un entre deux d’incompréhensions, à la fois détestés par une partie de la population et par une partie de la classe politique française. C’est pour cela qu’il devient de plus en plus important d’éduquer les personnes aux médias et au fonctionnement du journalisme.
À cela s’ajoute la question des Fake News, massivement partagées sur les réseaux sociaux et dont établir la véracité ou non est un travail qui incombe aux journalistes. Un récent sondage Odoxa Dentsu-Consulting pour Franceinfo et Le Figaro estime que 88% des français trouvent que les Infox sont des problèmes très importants en France, en plus d’établir un autre chiffre : près de 3 français sur 10 estiment avoir déjà partagé une Fake News à leur proche en s’en rendant compte après coup. Ce chiffre monte à presque 1 sur 2 s’il s’agit d’informations partagées sur Internet. De nombreux sites ou média ont fait du fact-checking leur marque de fabrique, ou l’ont inclus dans leur programme comme Décodex pour le Monde, L’œil du 20h pour France 2, Factuel pour le 20h de TF1 ou la collaboration entre le site CheckNews (Libération) et Facebook pour traquer les Fake News.
Enfin, une dernière question et pas des moindres concerne le financement d’un média. Comment le journalisme peut-il survivre financièrement ? Comme dit lors de l’échange du LNM, une incompréhension, soulevée régulièrement, est pourquoi les gros médias ont-ils d’énormes subventions de la part de l’État ? Beaucoup estiment que ces subventions sont contraires à l’éthique du journalisme et qu’il faudrait les supprimer, afin de laisser place à d’autres moyens d’aides (comme des charges en moins). De l’autre côté, le président Emmanuel Macron a déclaré cette semaine dans un entretien avec le journal Lepoint que pour que la France conserve une presse libre, il fallait plus de subventions de l’État. Un choix clivant à faire qui ne réussira jamais à mettre tout le monde d’accord.
Fessoil Abdou et Lucas Mollard