La photographe Jacqueline Salmon au centre d’art La Fenêtre
Depuis le 18 avril et jusqu’au 31 mai prochain, le centre d’art La Fenêtre accueille Jacqueline Salmon. Tout au long du mois de mai, et en parallèle d’une exposition intitulée Détentions : 1993-2013, diverses rencontres sont proposées avec la photographe.
L’exposition Détentions : 1993-2013
Pour Jacqueline Salmon, sa vocation est avant tout liée au « hasard des rencontres ». Au départ destinée aux arts de la scène, elle doit y renoncer à la suite d’un accident. Ses amies, du milieu de la danse, lui proposent par la suite de les photographier. Ayant également fait des études en histoire, architecture et en arts plastiques, elle explique que « l’appareil photographique est un outil qui [lui] permet de parler d’histoire et d’architecture ». On retrouve ces différents aspects dans l’exposition Détentions : 1993-2013 qui présente le long travail de la photographe.

L’exposition Détentions : 1993-2013 au centre d’art La Fenêtre (Crédit photo © Anne-Laure Huet)
Si la Maison d’Arrêt de la Santé de Paris est connue du grand public, ce n’est pas le cas de la Centrale de Clairvaux. Cette dernière est destinée aux détenus condamnés à de lourdes peines. Ultra-sécuritaire, elle est difficilement accessible aux personnes extérieures et aux médias. « C’est très difficile […] Il faut une autorisation de l’administration pénitentiaire. Les deux fois, j’ai été secondée par des institutions importantes. Pour Clairvaux, c’était la DRAC Champagne-Ardennes et pour Paris, le musée Carnavalet. J’avais ces deux institutions solides, qui ont parrainé mon travail. Mais même une fois que l’on a l’autorisation, c’est assez difficile à mettre en œuvre. »
Jacqueline Salmon nous montre ce lieu, si particulier, sans aucun pathos, mais avec une grande sensibilité. C’est l’endroit en lui-même qui intéresse la photographe. Elle explique : « J’ai toujours privilégié les lieux qui ont vu leurs usages se modifier en fonction de l’histoire. Clairvaux était l’abbaye de Saint-Bernard et est devenue une prison au XIXe siècle. Ces lieux, qui ont eu des destins très particuliers, ont un état actuel qui témoigne de notre société. »
La photographe nous laisse également entrevoir une vision interne, avec des photographies réalisées par les détenus de Clairvaux lors d’un atelier (Workshop). Elle évoque cette expérience : « J’appréhendais beaucoup. Dès l’instant où je me suis retrouvée avec des détenus en face de moi, je me suis rendue compte que l’on avait plus de choses à échanger qu’avec des tas de gens que je rencontre dans la vie normale. » Elle a également réalisé, au sein de cet atelier, l’importance de la notion de temps. « Le temps qui passe est différent. Il est entre la peine de prison, qui est un temps infini et le quotidien des détenus, qui est minuté. On est finalement contraint par le temps, mais dans un temps infini. C’est ça que je n’imaginais pas. »
Si les questions sociales et politiques sont largement abordées, l’aspect esthétique de ses photographies n’est pas oublié pour autant. « C’est pour moi comme un papier tue-mouche. Si l’image est belle, on va la regarder un peu plus longtemps. Dans ces quelques secondes supplémentaires, on a le temps de commencer à réfléchir. Ce que j’attends des visiteurs, c’est qu’ils commencent à se demander ce que signifie l’enfermement et ce qu’est une peine de prison. »
Les 21 et 23 mai, des visites commentées seront organisées en présence de Jacqueline Salmon. Un deuxième vernissage de l’exposition aura lieu le 22 mai à 18h30 dans le cadre des Boutographies Hors les murs.
La table ronde Dedans-Dehors
À l’initiative du centre d’art, une projection et une table ronde intitulée Dedans-Dehors suivra le vernissage du 22 mai. Il y aura la présence de Jacqueline Salmon, ainsi que des associations intervenant dans les prisons. Il s’agit là d’une occasion pour mieux comprendre le travail de la photographe ainsi que l’enfermement des détenus. « L’idée est d’ouvrir les yeux sur ce qu’est la prison. Également sur la nécessité que les prisonniers ont de garder un lien avec le monde extérieur. »

La salle haute de l’exposition Détentions : 1993-2013 dédiée à la Maison d’Arrêt de la Santé de Paris (Crédit photo © Anne-Laure Huet)
Le Workshop : De l’enfermement à l’oubli

La salle basse de l’exposition Détentions : 1993-2013, dédiée à la Maison Centrale de Clairvaux (Crédit photo © Anne-Laure Huet)
Depuis le lundi 19 mai et jusqu’au samedi 24, Jacqueline Salmon et Pierryl Peytavi organisent un atelier (Workshop) à l’abbaye d’Aniane intitulé De l’enfermement à l’oubli. Ancienne abbaye, elle devient à partir de 1845 une maison de détention. Elle est destinée aux mineurs dés 1885. Classés monuments historiques en 2004, les bâtiments monastiques, abandonnés et vandalisés, ont été rachetés par la Communauté de communes Vallée de l’Hérault, en 2010.
L’atelier qui est proposé consiste, en quelque sorte, à faire l’état des lieux. Pour l’artiste, Aniane est un endroit qui « témoigne d’un moment de la société ». Elle explique : « Le but du workshop est que quelqu’un, face à un lieu, chargé d’une histoire, soit capable de raconter en photographie sa propre histoire avec le lieu. » Une projection publique du Workshop est prévue le 24 mai à 19h00. Les tirages de l’atelier seront installés dans le parcours du public lors des prochaines journées du patrimoine.
Malgré la difficulté du sujet, Jacqueline Salmon et le centre d’art La Fenêtre ont fait le parti pris de le présenter de façon réaliste et sensible. L’exposition ainsi que l’interactivité de la table ronde et de l’atelier permettent à chacun de mieux comprendre ces lieux, dont on parle beaucoup mais que l’on connaît peu.
Jacqueline Salmon, Détentions : 1993-2013 au centre d’art La Fenêtre, 27 rue Frédéric Peyson, 34000 Montpellier.
Entrée libre du mercredi au samedi de 15h à 21h ou sur rendez-vous.
(Crédit photo de Une © Anne-Laure Huet)