Saurel, Moure… n’est pas Frêche qui veut !
L’entre-deux tours montpelliérain s’annonce tendu. Après l’échec des négociations entre les deux candidats socialistes Philippe Saurel et Jean-Pierre Moure, le résultat du scrutin des élections municipales, qui réunira aussi France Jamet (FN) et Jacques Domergue (UMP-UDI) dimanche prochain, reste plus que jamais incertain.
« L’ambition est le dernier refuge de l’échec ». Lorsqu’il écrivit cette sentence vouée à une postérité peu glorieuse, Oscar Wilde ne subodorait certainement pas qu’un jour béni, deux hommes lui en fourniraient un bel exemple. Par sa verve pertinente, il prophétisait sans le savoir le tableau d’une gauche déchirée.
Quelques jours avant le scrutin du premier tour, un sondage tombe : Philippe Saurel, crédité de 21% des suffrages, apparaît comme l’homme providentiel. Il n’en a pas fallu plus au candidat mais néanmoins dentiste pour monter sur son cheval de bataille, le peuple derrière lui, prônant la rupture qui enterrera les vieux apparatchiks. Ces mêmes pour qui le candidat amnésique travaillait en tant qu’adjoint à la culture.
Philippe Saurel ? Une faille dans le plan de Jean-Pierre Moure. La mairie s’éloigne ; il va falloir composer. Faire « consensus », comme on le dit dans le jargon politique. Un consensus avec un homme « dans l’ambition personnelle, la systématisation, la surreprésentation de l’idée qu’il a de lui-même », selon Jean-Pierre Moure dans Midi Libre, en petite forme décidément. Ou comment battre le fer tant qu’il est chaud. Il y aurait donc des ambitions plus légitimes que d’autres ; en l’occurrence, l’aura de sainteté qui entoure le président de l’Agglomération ne doit faire aucun doute…

Le rassemblement que souhaitait Jean-Pierre Moure n’a pas vu le jour (Crédit Photo : © Benjamin Pesme)
Le consensus n’aura pas lieu
Pendant l’entre-deux tours, les deux hommes se rencontrent. Résultat, après une longue nuit où les spéculations vont bon train, l’entrevue accouche d’un non-lieu définitif. D’un fair-play inoxydable, Jean-Pierre Moure ne manque pas de dénoncer l’ambition du jeune téméraire ; le consensus n’aura pas lieu, il le déplore. Les socialistes aussi. Personne n’en vient à la raison. On oublierait presque l’électorat… Car derrière les querelles de personnes, il y a toujours plus de 47% des voix, méprisées, snobées, insultées, au nom de quoi ? D’une discorde shakespearienne ; mais l’on peut toujours aimer Macbeth car il n’existe pas. L’intrigue n’a pas fini de dégoûter les Montpelliérains des tragédies classiques. Aussi classiques que les sempiternelles et lassantes erreurs de l’orgueil, de l’ambition, et de l’égo, qui caractérisent l’histoire du Parti socialiste, local et national, depuis près de trente ans.
Sans nul doute, Philippe Saurel et Jean-Pierre Moure n’imaginaient pas davantage que ce genre d’aphorismes cinglants s’appliquerait à leur compte. Jean-Pierre Moure songeait peut-être que, la fleur au fusil, il prendrait Montpellier sans résistance. Puisque « Montpellier avec Moure », on n’imaginait pas Montpellier sans Moure.

Julie, la fille de Georges Frêche, est aux côtés du candidat socialiste depuis les primaires (Crédit Photo : © Arnaud Huc)
Héritage frêchiste vs « homme nouveau »
Du reste, s’arroger pour lui l’héritage frêchiste par l’acquisition politique de Julie Frêche constituait une belle petite victoire. Pour une grande défaite. Cette récupération fut un coup de glaive à double tranchant. Il y a ceux qui rendent hommage. Et les autres. Bref, on ne prétend jamais à un lignage politique sans conséquence. Brandir l’héritage de George Frêche, demi-dieu régional et idole montpelliéraine, c’était prendre le risque qu’on prend avec les dieux ; on les divinise pour mieux les oublier ; Jean-Pierre Moure l’a tenté. L’erreur s’est payée ce dimanche d’un lourd tribut.
De l’autre côté il y a cet ovni, Philippe Saurel. « Homme nouveau », s’il en est, désigné comme tel dans les colonnes de Midi Libre. Après plusieurs semaines de flou sur une éventuelle candidature, il a finalement franchi le pas. Effet d’annonce plutôt que produit d’une longue réflexion, eu égard de la ténacité avec laquelle il défend depuis le début ses velléités. Puisque les organes nationaux du Parti socialiste ne l’ont pas adoubé, il brandira l’épée des dissidents. Et il faut croire que la dissidence porte en elle une valeur intrinsèquement positive, car elle permet tout : notamment l’impertinence.

Comme Georges Frêche, Philippe Saurel est-il capable de prendre Montpellier sans le PS ? (Crédit Photo : © Lucy Moreau)
Une quadrangulaire au programme
Philippe Saurel ira donc seul au second tour ; Jean-Pierre Moure aussi. Telles sont les choses à cette heure. L’appel au barrage face à la droite, lancé par Jean-Pierre Moure mardi, ne dupera personne. Le président de l’Agglomération nous montre la lune, c’est pourtant le doigt qu’il faut regarder.
Comme si l’imbroglio autour de la candidature d’Hélène Mandroux et des désignations des candidats socialistes par les instances nationales du parti ne suffisait pas, il fallait cette enclume de plus sur la vie politique montpelliéraine.
Oscar Wilde peut se retourner dans sa tombe. De l’ambition de deux hommes pourrait venir l’échec d’un parti et d’une population ; plus de 47% des suffrages, bafoués par l’ambition personnelle ; l’échec de la collectivité. Moure ? Saurel ? Probable que l’électorat, face au pathétique qu’on lui offre en pâture, aille brouter vers de plus verts pâturages…