Humans of Montpellier n°52

Etienne Boulé réalisateur. Laurence Méléo dans son quartier : rue du Faubourg du Courreau. © Simon Botteau
Je m’appelle Etienne Boulé. A la base je ne suis pas de Montpellier, je suis de Paris. Je suis venu ici il y a 15 ans avec mes parents. C’était compliqué au début de quitter mes amis parisiens, mais je me suis très vite adapté. J’y ai rencontré des gens très ouverts. C’est devenu ma deuxième ville. J’étais placé dans des centres spécialisés pour les handicapés à Paris, et en arrivant à Montpellier je suis rentré dans une école “normale”. Changement de vie total, et au final ça m’a apporté beaucoup de choses. Ça m’a permis d’être intégré comme n’importe qui. Je me suis vite fait des copains.
Au lycée, je me suis fait tous mes potes ici, et je me rends compte que j’ai plus grandi ici qu’à Paris. C’est vraiment ma ville d’adoption Montpellier. C’est une ville très ouverte, très tolérante qui accepte beaucoup les différences. Je pense que c’est un gros point fort que toutes les minorités soient bien mises en avant, cette mixité et ses différences en font une force. Ça la rend dynamique. Je suis un vrai citadin, c’est à dire que j’aime l’effervescence de la ville, mais sans le stress de Paris.
Je me suis rendu compte que c’était ça qui me faisait vivre.
J’ai fait mes études à ACFA multimédia, une école privée qui n’était pas très connue mais qui a racheté Studio M. Je voulais faire mes études ici car depuis que je suis ado je suis fasciné par tout ce qui est coulisse du cinéma. Au départ, je voulais être infographiste 3D, puis, en fait, j’ai vu que ça ne me plaisait pas tant que ça, c’était trop technique. J’avais une pote, ma meilleure pote du nom de France, qui faisait des montages pour le “fun”. Ça m’a donné envie de faire ça, de faire des petits montages, comme pour des anniversaires ou autres. C’était devenu une passion. A partir de ce moment, j’ai su ce que je voulais faire. Je me suis renseigné et j’ai trouvé cette école. Il se trouve que ma pote, qui est aussi en fauteuil roulant, voulait faire ça, donc on s’est retrouvé ensemble. J’ai eu des profs supers, avec une ambiance de travail géniale. Cette intimité avec les enseignants a allumé l’étincelle qui était en moi. Quand je suis sorti du BTS, je cherchais du travail, un contrat, un emploi, mais c’est tellement bouché dans ce domaine que je n’ai pas trouvé. Du coup, j’ai commencé à proposer des projets et je me suis mis en autoentrepreneur. J’ai commencé à faire des clips pour des rappeurs et d’autres petites vidéos. Le souci c’est que je ne savais pas trop comment m’y prendre pour trouver une vraie clientèle, et, même aujourd’hui, j’ai encore un petit peu de mal avec le réseau. J’en ai eu un peu marre, et à partir de là, j’ai voulu élaborer mes propres projets. Je me suis rendu compte que c’était ça qui me faisait vivre.
j’ai commencé à faire des petites vidéos sur Youtube. Comme par exemple une vidéo sur le sujet plutôt sensible du handicap. Ça parlait de la MDPH (Maison des Personnes Handicapées). Il y avait une petite polémique et j’ai fait une vidéo dessus qui a fait un petit buzz. Ça a même été repris par un juriste qui a fait un documentaire, lequel est passé à la télé, sur le monde du handicap et toutes les aides qu’il y a derrière. J’ai aussi fait une toute petite fiction pour m’amuser, du style Harry Potter, où avec mon fauteuil, je me téléportais, et, pareil, ça a bien marché. Ce qui m’a permis d’avoir de nouvelles commandes pour des clips ou des vidéos. J’ai aussi fait des clips pour ma meilleure pote, qui chante. Elle va d’ailleurs bientôt sortir un disque.
C’est une expérience que j’ai envie de reproduire toute ma vie.
C’est surtout un film de grand Corps Malade qui m’a éveillé. Quand je suis sorti de ce film (Patients), ça m’a donné une patate de fou. Il retrace le parcours de Grand Corps Malade. C’est quelqu’un qui s’est reconstruit au travers d’une expression artistique, c’est une personne qui a inspiré beaucoup de gens. Si j’ai un jour la chance de le rencontrer, je lui dirais merci pour ça. C’était tellement fort ce que j’avais ressenti que c’était ce type de projet que je voulais monter. Tout s’est enchaîné très vite avec une vraie équipe. J’ai rencontré Kousai, un chef opérateur et Valentine assistante réalisateur. Ça a été une étape importante dans le processus. On a commencé à former une équipe et on a tourné le film en octobre 2017. On a tourné dans le quartier des Grizettes, dans le quartier des Rives du Lez et dans le cinéma Diagonal. C’est un cinéma mythique de Montpellier. Donc, c’était super pour tout le monde. On m’a tout de suite accompagné et expliqué ce qu’il fallait faire pour les autorisations. C’est une ville qui, je trouve, rend très bien à l’image. Ce tournage, ça été une super expérience, que ce soit avec l’équipe ou pour mon activité. C’est une expérience que j’ai envie de reproduire toute ma vie.
je pensais qu’à cause de mon handicap je ne pourrais pas faire toutes ces choses.
Ce film parle des barrières mentales qu’on s’impose nous même et qui nous empêche d’avancer dans la vie, de réaliser nos rêves. Parce que moi, je pensais qu’à cause de mon handicap je ne pourrais pas faire toutes ces choses. Alors qu’en faisant quelques projets, je me suis rendu compte que c’était des contraintes que je m’étais mises dans la tête et, qu’en fait, j’étais capable de faire plein de choses. Ce film parle de ça. Le personnage principal n’est pas du tout handicapé, mais il se passe quelque chose dans sa vie, qui fait qu’il ne croit plus en ses rêves de devenir comédien. Dans l’histoire, son ami handicapé est sur le point de devenir réalisateur. Il va lui montrer qu’il peut dépasser ses barrières mentales et croire en ses capacités. Montrer un personnage tout à fait valide qui s’impose des barrières, et que finalement ce n’est pas la personne handicapée qui va se mettre des barrières. Quelque part c’est illogique, ce n’est pas rationnel. Ce sont des peurs qui ne sont pas rationnelles et qui nous empêchent d’avancer. C’était un conflit que j’avais en moi et ce personnage me représente. J’avais une partie qui me disait que je pouvais le faire, et une autre qui me disait que physiquement j’étais dans l’incapacité de le faire. En faisant ce film, – sortie prévue courant mars-avril – je me suis prouvé à moi même que je pouvais faire de belles choses. Je vais le présenter à plusieurs festivals de court-métrage en France pour le faire un petit peu connaître. C’est un court métrage qui a été financé en grande partie grâce à des dons sur un site de crowdfunding, et une fois de plus ça m’a prouvé que j’étais soutenu dans cette entreprise. Ça m’a motivé à faire un beau film, pour récompenser ceux qui ont donné.
le plus beau cadeau qu’on pourrait me faire c’est que des personnes qui sont touchés par ce message se disent: le handicap ça n’empêche pas de faire des beaux projets.
Merci à tous les gens qui m’ont soutenu, mes parents, ma famille, notamment France, ma meilleure amie, sans qui je n’aurais pas fait tout ça. C’est quelqu’un qui m’inspire beaucoup, le fait de la voir faire toutes ces choses, ça m’a inspiré. On est toujours inspiré par quelqu’un et le plus beau cadeau qu’on pourrait me faire c’est que des personnes qui sont touchées par ce message se disent: le handicap ça n’empêche pas de faire des beaux projets. Que les personnes qui n’ont pas d’handicap se disent “finalement, quand on veut, on peut faire des belles choses”. Faut juste s’en donner les moyens, mais ça ne se fait pas tout de suite. Si on y croit, un jour ou l’autre, on peut le faire. J’espère que sur ce court-métrage, ce sera le message qui passera et qui donnera envie à d’autres d’accomplir leurs projets, sans prétention aucune.