De l’occupation à l’évacuation violente : Récit d’une journée à la Faculté de Droit et de Science Politique

Une occupation de la Faculté de Droit et de Science Politique qui a engendré plusieurs moments de tension. © Fessoil Abdou
A la suite de la mobilisation nationale du jeudi 22 mars, des étudiants montpelliérains ont décidé de lever une Assemblée Générale à la Faculté de Droit et de Science Politique. Alors qu’en milieu de journée, l’AG vote pour l’occupation des locaux de la Faculté, à minuit un petit groupuscule évacue l’amphithéâtre à coup de bâtons et de taser. Le Nouveau Montpellier a assisté à cette expulsion violente qui relève certaines questions.
Une AG improvisée au retour de la Manifestation
C’est une journée qui va entrer dans les annales de la vie universitaire montpelliéraine. En marge du mouvement de grève nationale qui a réuni près de 8.000 personnes dans les rues de Montpellier, des étudiants ont organisé une assemblée générale improvisée à la Faculté de Droit et de Science Politique. Une action loin d’être acceptée par tous puisqu’ils ont été chassés avec une extrême violence par un groupe de personnes cagoulés après qu’ils aient voté l’occupation de la faculté lors de cette AG.
Des étudiants très présents lors des dernières mobilisations sociales et qui ne sont pas à leur première action contestée. En atteste hier lors de la manifestation, lorsqu’ils ont pris la tête du cortège en grillant la politesse à l’intersyndicale.
#Montpellier Départ de la #Manif22Mars de la place du Peyrou, avec les lycéens et étudiants qui mènent le cortège #JaiManif pic.twitter.com/I6Ii6yowCw
— LeNouveauMontpellier (@LeNouveauMtp) 22 mars 2018
Ces étudiants vont ensuite quitter la manifestation aux abords de la préfecture pour se diriger vers la Faculté de Droit et de Science Politique. Une réunion intersyndicale est prévue à 14H mais elle va se transformer en assemblée générale par la présence de ce groupe d’étudiants, dont la grande majorité ne font pas partie de cette faculté. Ce qui va générer des tensions au sein de l’assemblée car certains étudiants de la Faculté de Droit et de Science Politique vont remettre en cause sa légitimité. D’autant plus qu’une AG avait eu lieu la veille (le mercredi 21 mars) et prévoyait la prochaine AG étudiante le 28 mars prochain.
Les débats débuteront malgré tout au sein de l’amphithéâtre où professeurs d’autres universités, des étudiants, mais aussi des représentants de différents syndicats prennent la parole. On peut noter la présence du syndicat de la magistrature de Montpellier et des membres du bureau National des avocats de France.
Et c’est lors des propositions de l’AG que la tension s’est installée entre deux groupes. Certains étudiants de la faculté de Droit, notamment de la Corpo Droit et Science Politique, s’alarment des prochaines grèves et du blocus. L’échange est difficile et la parole des opposants à l’occupation n’est pas entendue (ou écoutée). Ainsi, plusieurs propositions sont adoptées : le soutien aux lycées bloqués, la “reconstruction visuelle” de la Faculté, une nouvelle assemblée générale et surtout l’occupation totale de la Faculté.
#Montpellier L’AG de la @facDroitMontpel vient d’adopter l’occupation de la faculté #greve22mars #PlanEtudiants pic.twitter.com/v7jwyjG8jy
— LeNouveauMontpellier (@LeNouveauMtp) 22 mars 2018
Une partie des étudiants et des enseignants ne sont pas d’accord avec cette occupation et la tension va monter d’un cran. Invectives, insultes voire menaces, l’atmosphère commence à être de plus en plus hostile entre les occupants de l’Amphi A et certains étudiants et enseignants de la Faculté de Droit et de Science Politique. Le doyen Philippe Pétel est également pris à partie car après avoir exprimé devant l’auditoire qu’il ferait tout son possible pour éviter l’occupation de la Faculté, il sera vivement critiqué par une occupante pour avoir fermé les issues des sanitaires.

Le doyen Philippe Petel pris à partie pour avoir fermé l’accès des sanitaires près de l’amphi A de la Faculté de Droit et de Science Politique. © Fessoil Abdou
L’ambiance devient électrique lorsque vers 22h, une altercation survient entre un enseignant et un pro-occupant qui en viennent aux mains. L’incident provoque un attroupement mais le calme reviendra quelques minutes après.
Vers 23h00, l’AG perd de sa vitalité et la salle désemplit. Seul un petit groupe, pro-occupation, reste à l’intérieur de l’amphi. Certains amènent à manger, d’autres des couvertures et il semble que la Fac sera occupée toute la nuit. Pourtant, du personnel anti-incendie, des étudiants, des chargés de TD, des professeurs et le doyen, Philippe Pétel restent sur place et ne comptent pas s’arrêter là.
Un final inacceptable
La tension semblait pourtant être redescendue. L’amphi se vidait et les derniers occupants jouaient aux cartes. À minuit, un groupe d’étudiant contre l’occupation, accompagné de quelques professeurs et du doyen, Philippe Petel, s’amassent à l’arrière. Les regards se croisent, on se fixe et on ressent dans la salle une atmosphère belliqueuse. Après 5 minutes d’échange silencieux, le groupe se retire. Les occupants repartent à leurs affaires sans savoir que c’était un ultime avertissement.
Il est 00h10, les portes de l’amphi s’ouvrent brutalement. Des individus cagoulés, déchainés et armés de batôns, taser, morceaux de palette , rentrent. Les coups fusent dans tous les sens. Des filles par terre reçoivent des coups de pieds dans la tête, d’autres occupants sont tabassés avec des batôns, un veritable raid mené contre les étudiants. Tout est allé très vite, la salle s’est vidée en 5 minutes, la Faculté de Droit et de Science Politique ferme ses portes, descend le rideau de fer.
A l’intérieur, certains sautent de joie, à l’extérieur, le bilan est de 3 blessés. La police arrivera 5 minutes plus tard, évacuera l’entrée de l’université et bouclera les rues alentours pour laisser partir le personnel et étudiants de la Faculté. Des faits d’une extrême gravité qui se sont déroulés devant le personnel et le Doyen de la Faculté.

Le personnel de la Faculté et quelques étudiants à l’intérieur du bâtiment, après l’expulsion des occupants par les individus cagoulés. © Simon Ruiz
Simon Ruiz, Fessoil Abdou & Mathis Cugniere