Pierre Sauvageot : « La ZAT pourrait devenir un magnifique laboratoire »
A l’ouverture de la ZAT samedi dernier, nous avons rencontré le directeur artistique, Pierre Sauvageot, qui nous a accordé quelques minutes d’interview. Le directeur de “Lieux Publics” situé à Marseille, raconte la façon dont il a perçu le quartier et les habitants de Figuerolles pour concevoir cette ZAT 2016. Une ZAT qui serait pour lui un outil favorisant l’inclusion des habitants dans la conception de projets culturels.
Le Nouveau Montpellier : Comment s’est déroulée la construction de votre programmation ?
Pierre Sauvageot : « Il se trouve que je connais la ZAT depuis longtemps. Je ne suis pas loin, je suis à Marseille. J’étais venu à plusieurs éditions et je connais bien Pascal Le Brun-Cordier qui a été longtemps le directeur artistique (de sa création en 2010 jusqu’en 2014). D’autant que je pense que Marseille et Montpellier sont des villes qui seront amenées à travailler plus ensemble. La question méditerranéenne est une question majeure, et je crois qu’on ne sera pas trop de deux pour s’attaquer à cette question.
Après la particularité, c’est de connaître un territoire. Je connais un peu Montpellier, mais pas franchement. J’ai donc passé quelques jours durant la période de l’appel à candidature à m’y promener, tout en essayant de sentir ce qui se passe dans ce quartier. A travers les différentes strates de villes successives au sein de ce quartier, très vite je me suis dit “on a un axe : c’est la rue du Faubourg-Figuerolles, auquel il faut lui trouver son habillage”. D’où le rideau, les grandes sirènes sur tout le long, le repas de la “régalade” le dimanche, qui fera un espèce de grand linéaire qui permet d’aller de plan cabanes à la cité Gély, avec toutes une séries de choses qui se passent autour. Ça, c’était la première évidence.
La deuxième évidence, c’était d’écrire sur chacun des lieux car les lieux eux-même proposent des choses. Ainsi dans la chapelle Gély, il y a Jean-François Zygel qui vient faire des portraits musicaux, puis vous avez l’orchestre national de Montpellier qui va venir jouer Dimanche. J’étais content parce que tout d’un coup dans cette chapelle, en plein milieu de la cité, ça m’amusait de placer plutôt des formes classiques.
Emmener les gens de l’extérieur vers la cité, pour emmener les gens de la cité vers l’extérieur.
Concernant les arts de la rue sur la cité Gély, ça m’intéressait de travailler avec les freerunners, les “traceurs”. Des espèces de jeunes acrobates qui sont des champions dans leur catégorie. Donc à la fois, ils jouent beaucoup sur le “dehors-dehors”, mettant en valeur les façades de la cité Gély qui ont “de la gueule” mais ne sont pas toutes jeunes. Et dans le même temps, je voulais qu’elles emmènent les gens de l’extérieur vers l’intérieur la cité, et qu’elles emmènent les gens à l ‘intérieur de la cité vers l’extérieur.
En ce moment #freerunners à la cité Gely de #Figuerolles #Montpellier #Zat #Zat10 @zatmontpellier @FabriqueRoyale pic.twitter.com/ZZZCswEKWb
— LeNouveauMontpellier (@LeNouveauMtp) 9 avril 2016
Puis j’ai découvert le parc de la guirlande, j’ai trouvé que c’était un lieu scénographiquement passionnant. Il y a donc deux propositions, celle notamment de Thor McIntyre-Burnie qui fait des témoignages et qui a choisi comme sujet la question du refuge. Aujourd’hui il y a des réfugiés qui frappent à nos portes et le moins que l’on puisse dire, c’est que nos portes ne sont pas très ouvertes. Heureusement les artistes restent très mobilisés sur cette question. Puis la deuxième proposition c’était de développer le parc de la guirlande comme un lieu de rencontre avec toutes les musiques. On a donc placé 45 solistes de Montpellier, que je ne connaissais pas. Il fallait des gens qui soient en capacité de porter tout seul leur propre musique tout en mettant à proximité ces musiques et d’y faire un espace assez magique avec les jeux de lumières ».
Vous avez ressenti une adhésion à vos projets notamment de la part des habitants concernant leur “intégration” autour de la programmation ?
“Oui franchement. Pour nous c’était prévu depuis le début, tout en ayant quand même des points d’interrogations sur l’accueil des habitants concernant nos projets. Par exemple, pour les freerunners, ils ont passé une semaine en résidence faire des ateliers et des essais tous les jours, donc c’était un moment important de rencontre.
J’ai été très agréablement surpris par la grande capacité des interlocuteurs à s’investir et à ne pas dire “oui mais…”
Les gens ont répondu immédiatement aussi pour le projet de Thor McIntyre-Burnie sur les témoignages. Il ne faut pas oublié que nous sommes arrivés tard puisque nous avons fait notre projet un peu dans l’ombre. Donc on a rencontré les gens du quartier quand on a été choisis en novembre, et il fallait qu’en janvier tout soit bouclé. Pour autant, lorsque l’association “La Boutique d’Écriture” qui a mené le projet avec Thor, a demandé aux habitants s’ils pouvaient l’aider à aller frapper chez les gens pour recueillir des témoignages, ils ont dit “on fonce”. Pour la rue tour Gayraud sur le projet de la “balconnade”, on s’est adressés aux chorales de Montpellier et on leur a dit “on va faire une balconnade est-ce que ça vous dit ?” Ils ont dit oui immédiatement. J’ai été très agréablement surpris par la grande capacité des interlocuteurs à s’investir et à ne pas dire “oui mais…”, et cela que ce soit du côté des artistes professionnels, des associations relais ou des habitants. Il y a aujourd’hui une soif d’en être, et je pense que la ZAT pourrait devenir un magnifique laboratoire sur la façon de construire une manifestation en associant les habitants. Il y a plein de type de manifestation possible ! On pourrait inventer des formats différents.
Je pense qu’on a tous besoin, quel que soit le système mis en place, de plus de temps.
A vous entendre, cette édition ne sera pas un “one shot” pour vous en tant que directeur artistique ?
Je n’ai pas plus d’information que vous. Je pense que la ville réfléchit. Moi j’avais donné un certain nombre d’idées et c’est normal car à chaque fois que l’on fait une ZAT on fait un bilan. J’ai dit un certain nombre de choses et j’en dirai après cette ZAT parce que forcement tout le monde se fera un bilan en se disant “Est-ce qu’elle est ratée, est-ce qu’elle est réussie ?” Chacun se fera un avis… En tout cas, je pense que c’est un outil riche. Je dirige un centre national de création en espace public qui est à Marseille, et je pense que la question de la création, d’inventer des projets spécifiques se pose.
Donc pour vous, la question sur la permanence de la direction artistique de la ZAT n’a pas lieu d’être ?
La ville a toutes les cartes en main. Elle connait les avantages et les inconvénients. On comprend l’idée de faire tourner une direction pour qu’il n’y ait pas des rentes de situation. Je pense qu’on a tous besoin, quel que soit le système mis en place, de plus de temps, d’être plus en amont, entre autres pour emmener les habitants, et je crois que tout le monde en est conscient. Après je ne maîtrise rien. Dans la ville, il y a eu des changements de service, un changement de Maire, la nouvelle équipe est en train de voir vers où orienter la ZAT. Moi je leur donne des conseils, qu’ils suivront ou ne suivront pas.
Entretien avec @sauvageotpierre, le Dir’Art de la #Zat2016 >> https://t.co/iEjdks0N7T #Zat #Zat10 @zatmontpellier https://t.co/2QZOnARG4l
P.Sauvageot Avec le changement de Maire, la nouvelle équipe est entrain de voir vers où orienter la ZAT. @saurel2014 https://t.co/O8UKu1XFoM