Une exposition décalée qui retrace l’histoire de Charlie Hebdo
Un an après la terrible tuerie dans la rédaction de Charlie Hebdo, le club de la presse de Montpellier propose une exposition légère qui retrace toute l’histoire du journal. Loin des discours larmoyants et des caricatures du prophète Mahomet qui ont tant fait parler ces derniers temps, 35 unes historiques sont à la disposition du public. On y découvre un journal satirique très piquant sur tous les sujets sensibles. Vous avez jusqu’au 12 janvier de 9h à 18h pour apprécier l’expo “Gardons l’esprit Charlie”, place du nombre d’or !
Pour accueillir le public, l’exposition se découpe en deux parties : une série de unes dans un bus scolaire jaune et une autre série dans le local du club de la presse avec en bonus une vidéo retraçant les événements.
Une inauguration avec des discours poignants
Les principaux représentants des cultes montpellierains étaient présents lors de l’inauguration pour adresser un message de paix et rappeler la nécessité de déresponsabiliser Dieu dans cette tragédie. À noter une intervention lyrique de Nathalie Nicaud, qui interprète sur la place du nombre d’or trois chants en trois langues différentes : français, arabe et hébreux.

© Club de la presse Montpellier
M. Isaac Benhamou, Grand Rabbin de Montpellier en train de prononcer son discours : “Le problème, ce n’est pas les religions, c’est l’instrumentalisation des religions”
Les personnalités politiques étaient aussi présentes à l’inauguration, mais n’ont pas pris la parole. « Si tu commences à faire parler le Maire de Montpellier, il faut faire parler la présidente de la Région, les représentants de chaque parti politique… On s’en sort plus » indique Sébastien Hoebrechts, journaliste et vice-président du club de la presse. « Et c’est aussi un problème de temps et d’organisation. Mais on aura besoin d’eux, c’est sûr, pour défendre la liberté de la presse et la liberté d’expression. » Il souligne par la même occasion l’importance et la responsabilité des politiques, en ce qui concerne l’éducation aux médias car « c’est eux qui ouvrent les portes des établissements scolaires pour mener à bien des actions. » Une commémoration sous le signe de la bonne humeur qui fait du bien, avec des marrons grillées et du vin chaud à disposition des visiteurs. De quoi lancer une année 2016 avec plein d’optimisme.
Du rire à la redécouverte d’une époque
Pour les plus jeunes qui ne connaissent pas l’histoire du journal, cette exposition met en lumière plusieurs unes qui s’attaquent à tous les sujets d’actualités, du sport au conflit israélo-palestinien, jusqu’aux personnalités politiques. Tout le monde y passe. Sébastien Hoebrechts précise que les unes ont été choisies pour donner un petit côté rigolo et festif, à l’image du journal. « L’équipe du club de la presse a choisi des unes qui font rire les visiteurs, qui révoltent et qui essayent d’éclairer sur certains sujets. » Le défi est réussi, puisque qu’on entend à plusieurs reprises des éclats de rires tout au long du parcours. Les plus fidèles lecteurs de Charlie Hebdo, comme les plus curieux, seront servis.
Où en est le métier de dessinateur presse aujourd’hui ?
L’un des dessinateurs les plus connus du milieu était présent. Gaston, qui a travaillé pour plusieurs médias locaux, était sans nul doute l’un des plus concernés par l’état actuel du monde de la presse. « C’était déjà la galère avant ce jour du 7 janvier pour les dessinateurs… Mais c’est pire après. On était considéré comme des martyrs juste après les attentats, mais dans les journaux ça ne change rien du tout, même au contraire, il y a de la suspicion » explique-t-il. Un témoignage qui sent le vécu et qu’il poursuit en alertant sur la difficulté actuelle des dessinateurs. « D’un côté, il faut faire gaffe à ce que tu dis et d’un autre côté, si tu fais gaffe à ce que tu dis tu perds en qualité. Et si tu vas au bout des idées, c’est dangereux. »
Il raconte aussi la mutation du métier avec l’arrivée des réseaux sociaux et de la presse numérique : « Sur les réseaux sociaux, ce n’est pas la même chose. Tu peux mettre tous les dessins que tu veux, mais tu ne seras pas payé. Alors que dans un journal, tu es sous la responsabilité d’un rédacteur en chef. » Cette responsabilité est aussi un frein pour la créativité du dessinateur, dont le politiquement correct vient perturber la qualité du travail : « Tu vas avoir des gens qui peuvent s’intéresser à ton boulot. Mais une fois que tu vas travailler avec eux, on va te dire « soit plus cool, sinon on va perdre des annonceurs ». C’est un problème de politiquement correct qui augmente au fil des années. » Il éclaire son propos avec un exemple concret, la dernière Une de Charlie Hebdo. « C’est une sorte de Dieu chrétien, franc-maçon… On ne sait pas trop en fait. Ils n’ont peut-être pas osé dessiner Allah, je ne sais pas… »
Nous lui avons donc demandé quel conseil il donnerait aux jeunes qui se lancent dans le métier de dessinateur. « Il faut savoir faire plusieurs choses. Savoir bosser dans la BD, s’intéresser aux jeux vidéo ou à l’animation. Il y a plusieurs métiers qui consomment du dessin, mais il y en a peu qui suffisent. Faut être polyvalent, mais c’est valable pour tout. Même un journaliste, aujourd’hui, a intérêt à être polyvalent. Même un serveur dans la restauration. Faut savoir faire plusieurs choses maintenant. »
Pour conclure, parmi les Unes exposées dans le bus, celle qui symbolise le mieux la liberté d’expression et l’humour : mettre de l’huile sur le feu.