Grève des pompiers : « Nous voulons simplement que la loi soit appliquée »
Sur fond législatif, le bras de fer entre les sapeurs-pompiers de l’Hérault et le Service départemental d’incendie et de secours (SDIS) se poursuit.
L’application de la loi
La « grève a commencé lorsque nous avons compris que notre directeur voulait nous imposer notre temps de travail et ne pas se mettre en conformité avec ce qui est prévu », explique Cédric Sylvestre, sergent-chef à la caserne Marx Dormoy de Montpellier. Ce qui est prévu ? Une directive européenne*, votée en 2003, stipulant que chaque heure effectuée sur son lieu de travail doit être considérée comme telle. En France, depuis la loi Aubry votée en 2000, le nombre légal d’heures de travail par semaine est de 35. Or, un pompier effectuant deux à trois gardes par semaine sera payé uniquement 17h30 de travail pour une garde effective de 24 heures.
La loi n’est donc pas appliquée et l’Europe a, par conséquent, mis la France en demeure. Cette mise en demeure a également été le déclic selon Cédric Sylvestre, quinze ans d’exercice à son actif : « On n’a pas le droit de dire que nous faisons 1 607 heures par an alors que nous en faisons 2 160. La prise de conscience, ils auraient dû l’avoir avant car ça fait maintenant 10 ans. […] Si la France ne se met pas en conformité avec les directives européennes, l’État aura de lourdes amendes. »
Des solutions inappropriées
Suite au lancement de la grève, le SDIS a proposé aux sapeurs-pompiers plusieurs solutions telles que l’augmentation de l’IAT (Indemnité d’administration et de technicité), qui passerait de 4,8% à 5%, ou la semestrialisation de leur temps de travail, ce qui signifierait 45 gardes par semestre. Pour Cédric Sylvestre, membre du Syndicat autonome 34, cette seconde proposition est hors de propos car un pompier effectue d’ores et déjà 90 gardes environ par an. Il nous explique ainsi que leur mobilisation ne concerne pas un problème financier mais uniquement une volonté profonde que la loi soit appliquée et que les pompiers bénéficient, comme tout autre fonctionnaire, des droits qui vont de soi. Les sapeurs-pompiers ne souhaitent pas non plus un régime de retraite spécifique.
Selon le SDIS, passer aux 35 heures par semaine pour un pompier coûterait 6 millions d’euros et 160 embauches de pompiers professionnels (un sapeur-pompier coûtant 37 000 euro par an). Néanmoins, cela reste applicable, selon les sapeurs-pompiers. Plusieurs départements du nord de la France ou encore les Alpes-Maritimes se mobilisent également ; d’autres départements, comme le Gard, ont rapidement pris conscience de leurs droits et ont anticipé, ils « sont déjà aux heures pour heures », ce qui prouve que la loi est applicable. Un sentiment d’injustice semble planer du côté du numéro 18.

Véhicule d’intervention des sapeurs-pompiers de l’Hérault (Crédit photo : © Andy Wan Wac Tow)
Service illimité
Malgré leur mobilisation, les soldats du feu restent au service de la population. En effet, les pompiers ne veulent pas pénaliser les citoyens, qui restent leur préoccupation principale. Ils se sont donc mis d’accord pour être, comme à leur habitude, 28 personnes minimum par caserne, en dépit d’un arrêté préfectoral imposant un effectif grève minimum de 18 personnes au sein de chaque caserne. « On fait 20 000 interventions par an sur les deux centres réunis [ndlr : les casernes de Montauberou et de la Paillade] et 10 de moins dans chaque caserne, on trouve que c’est inacceptable. On a donc décidé que ceux qui étaient de garde ne se portaient pas en grève pour ne pas pénaliser la population car on ne veut pas prendre en otage les gens, la population n’y est pour rien », ajoute Cédric Sylvestre.

( Crédit photo : © Andy Wan Wac Tow )
Le bras de fer continue
Ne pouvant trouver un terrain d’entente avec leur direction, les sapeurs-pompiers professionnels de l’Hérault continuent la grève. Ainsi, le 6 janvier prochain se tiendra une réunion au sein du SDIS afin que les pompiers puissent entendre les nouvelles propositions faites par leur directeur et trouver un accord. Les sapeurs-pompiers de l’Hérault craignent cependant qu’on leur propose de créer des groupes de travail. Selon Cédric Sylvestre, « ça coûte de l’argent, ça va durer très longtemps et ça ne débouche pas sur grand-chose ». En effet, les pompiers de l’Hérault (uniquement) ont déjà une petite expérience des groupes de travail qui, depuis maintenant un an et demi, doivent leur fournir des moyens radio qu’ils n’ont pas. Ils ne peuvent donc pas communiquer lorsqu’un soldat se trouve dans le feu, ce qui est potentiellement dangereux. « On ne veut plus que ça traîne », termine le sapeur-pompier.
Les pompiers portent également une autre réclamation, celle-ci concerne les nominations de profession qui se sont mises en place en 2012. En effet, entre 2012 et 2019, les pompiers professionnels devraient monter en grade. Or, si un pompier n’a pas été nommé d’ici là, celui-ci perdrait, selon Cédric Sylvestre, toutes ses qualifications : « On a proposé au directeur […] que tout le monde soit nommé au fur et à mesure » mais il ne partage pas le même avis, expliquant que cela engendrerait « trop de chefs dans l’encadrement ».
*Directive 2003/88/CE sur le temps de travail
(Crédit photo de une : © Andy Wan Wac Tow)