L’écriture se raconte au musée Henri Prades

Visite de l’exposition « À l’école des scribes – les écritures de l’Égypte ancienne » au musée Henri Prades – Site archéologique Lattara. © Juliana Gendron
Après une exposition « les Étrusques en toutes lettres », le musée Henri Prades – Site archéologique Lattara poursuit dans cette même veine et propose aux visiteurs une nouvelle exposition dédiée à l’écriture, mais à présent sur l’Égypte ancienne : « À l’école des scribes – les écritures de l’Égypte ancienne ». Visible jusqu’au 2 janvier 2017 à Lattes.
« Traquer l’individu » et décrypter les hommes par-delà l’écrit
Alors non, vous ne verrez pas Belphégor, vous ne verrez pas non plus de chat momifié ni d’instruments pour embaumer… Mais des signes, figurés ou abstraits, des signes partout, dans chaque vitrine, sur chaque objet, du vase au papyrus. Avec « À l’école des scribes – les écritures de l’Égypte ancienne », nous sommes loin de ce que l’on a l’habitude de voir dans les expositions consacrées à l’Égypte. L’approche est tout à fait originale : c’est une invitation à considérer, au-delà de l’écriture, l’homme qui écrit, le scribe penché sur son ouvrage. Annie Gasse, directeur de recherche au CNRS et commissaire de l’exposition, cherche ainsi à décrypter le geste derrière les signes pour « traquer l’individu ». Il s’agit presque de lire entre les lignes l’histoire qui n’est pas écrite.
Trois systèmes d’écriture concurrents
L’exposition est d’abord brièvement organisée en un parcours chronologique, retraçant l’émergence de l’écriture avec le cunéiforme, premier système fait de signes anguleux avec des « coins ». Diverses thématiques essentielles découpent ensuite l’espace de la visite. Nous apprenons ainsi qu’il ne faut pas systématiquement associer l’Égypte ancienne aux hiéroglyphes car deux autres types d’écritures étaient utilisés en parallèle, des écritures cursives liées à des usages et contextes différents : l’hiératique et le démotique. La diversité des œuvres témoigne enfin de la richesse des supports de l’écrit. Certains textes religieux étaient même écrits sur les bandelettes de lin utilisées pour momifier les cadavres.

Laure Bazin Rizzo joue les guides pour les membres de l’association Victor Loret, Cercle lyonnais d’égyptologie. © Juliana Gendron
Les lecteurs ?
Les spécialistes considèrent que seulement un à deux pour cent des individus savaient lire. Alors à qui se destinaient tous ces écrits ? – Au futur, à la postérité, à nous visiteurs du XXIe siècle, ainsi ces « appels aux vivants » que le défunt faisait graver sur la pierre à l’instar de cette statue cube d’Haroua. Ici, le mort nous interpelle et nous invite à prononcer les mots inscrits, comme pour lui redonner vie l’instant d’un regard et d’un souffle. Les hiéroglyphes ont donc bel-et-bien quelque chose de magique. Garant contre l’oubli, l’écriture est aussi dotée de pouvoirs comme avec cette inscription peinte au fond d’un sarcophage pour protéger la momie des vers et de la pourriture venue du sol.
L’occasion de valoriser des œuvres rarement exposées au public
Outre l’approche novatrice, l’exposition est riche d’œuvres exceptionnelles. Comme le souligne Laure Bazin Rizzo, ingénieur de recherche membre du Labex Archimede et commissaire scientifique, cette exposition est l’occasion de montrer au grand public des œuvres rarement, voire jamais, exposées. Certaines proviennent en effet des réserves du Musée du Louvre ; d’autres encore ont été prêtées par des collectionneurs privés. L’exposition est en outre l’occasion de quelques restaurations et même d’avancées scientifiques. Mettant en lumière une tablette jusqu’alors délaissée, un égyptologue a découvert qu’il s’agissait de l’un des plus anciens exercices scolaires connus à ce jour.
L’égyptologie : une spécificité montpelliéraine méconnue
L’exposition s’inscrit dans une dynamique scientifique très riche et particulière à Montpellier. Une salle du musée met ainsi en lumière un vaste projet de recherche : le VÉgA, la création d’un dictionnaire hiéroglyphique en ligne (Vocabulaire de l’Égyptien Ancien). À noter que l’Université Paul-Valéry Montpellier 3 est le cœur de ce programme révolutionnaire pour la communauté internationale de l’égyptologie.
Des conférences données par les chercheurs et professeurs de Montpellier apportent un éclairage nouveau sur certaines œuvres du musée durant toute la durée de l’exposition. La prochaine se tiendra le jeudi 8 décembre 2016 à 19h dans l’auditorium du musée : « Les hiéroglyphes expatriés à l’époque pharaonique » par Marc Gabolde, Maître de conférences en égyptologie.

Conférence donnée par Annie Gasse « Quand la graphie révèle le scribe », le jeudi 17 novembre 2016. © Juliana Gendron
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