L’université Paul-Valéry face à la rigueur… et à la grève
Journée cruciale à l’université Montpellier 3 ce jeudi puisque se tenaient une réunion d’information, menée par la présidente de l’université, ainsi qu’une Assemblée générale. Invités à y assister, le personnel et les étudiants de Paul Va’ ont pu faire face à l’administration de l’université, celle-ci ayant exceptionnellement banalisé la demi-journée de cours, mais aussi à tous leurs représentants…
L’État sur le banc des accusés ?
Ses déclarations ne sont pas passées inaperçues le 2 octobre 2013 dans le quotidien Libération. Anne Fraisse, présidente de l’université Montpellier 3, y accusait l’État et la ministre de l’Enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, d’être responsables des problèmes financiers de son université, d’« ignorer les difficultés de ses universités » et d’« agir comme un médecin qui provoquerait la fièvre de ses malades ». Une façon pour elle de répondre à la ministre qui avait déclaré quelques jours plus tôt qu’il semblait « manifestement y avoir un problème au niveau de l’université », se défendant d’un éventuel désengagement de l’État.
Lettre ouverte au candidat Hollande
La présidente de Paul Valéry n’en est pas à son coup d’essai. Début 2012 et en pleine campagne électorale, elle avait écrit une lettre ouverte au candidat socialiste à la présidentielle, s’inquiétant des axes du programme d’enseignement supérieur de François Hollande et jugeant celui-ci trop proche de la politique mise en place sous l’ère Sarkozy, s’étonnant « qu’un candidat socialiste recrute ses conseillers parmi ceux qui ont aidé à mettre en place la LRU ».
Universitaire engagée et opposée aux réformes de ces dernières années, Anne Fraisse n’a pas tiré l’alarme sur la seule politique du gouvernement cette fois-ci, mais également sur la situation de sa propre université.
L’université Montpellier 3 dans le rouge
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette université n’est pas très reluisante. Dès le 17 septembre, dans un mail adressé à tous les étudiants, soit plus de 20 000 individus cette année, celle qui est présidente depuis le 29 avril 2008 résumait la situation en deux mots : « crise financière ». L’administration a ainsi présenté un déficit structurel de près de 4 millions d’euros pour 2014, somme que la présidente met aux comptes du « désengagement de l’État » et de la loi sur l’autonomie.
Les mesures mises en place, comme la défiscalisation des heures supplémentaires ou encore la licence à 1 500 heures, auraient même engendré plus de 7 millions de charges supplémentaires pour l’université depuis trois ans. Par conséquent, « l’université ne peut plus aujourd’hui assumer cette diminution croissante de ses moyens et cette augmentation mécanique et politique de ses charges », selon le mail d’Anne Fraisse. Elle est donc contrainte d’appliquer des mesures drastiques de rigueur, et ce dès l’année prochaine.
Au programme des concessions, la plus commentée et médiatique est celle de la fermeture du site de Béziers, antenne de Montpellier 3, laissant plus de 700 étudiants sur le carreau et des bâtiments modernes abandonnés. Est aussi prévue la limitation des inscriptions 2014 en première année de licence de certaines filières, comme Arts plastiques, Information-Communication ou Psychologie, avec un système de tirage au sort pour les sélections. On parle encore de la suppression de volumes d’enseignement dans des filières à petits effectifs, comme les masters. Du côté du personnel, le coût de cette austérité pourrait également se faire ressentir, de nombreux emplois étant menacés au même titre que des postes de recherche. Des concessions inimaginables pour de nombreux Paul Valériens qui n’ont pas tardé à réagir.
Réunion d’information et assemblée générale
Très vite, un Comité de mobilisation réunissant les différents organes de représentation des étudiants et du personnel, associations et syndicats, s’est formé afin de protester contre les décisions du Conseil d’administration. Deux Assemblées générales avaient déjà été organisées avant celle de ce mercredi, votant des demandes de restitution des 3 millions d’euros par l’État ainsi que l’abrogation des réformes LRU et Fioraso.
La troisième s’est tenue ce mercredi matin, précédée d’une réunion d’information où était présente Anne Fraisse. Celle-ci a pu expliquer la situation et sa stratégie : mettre le gouvernement et Mme Fioraso devant leurs responsabilités en prônant la transparence des comptes de l’université. Une stratégie qui a semblé peu convaincante pour le personnel présent à la réunion, sans qu’ils ne l’expriment vraiment. Un délégué régional de la CGT siégeant au Conseil d’administration de la faculté regrettait ainsi une « forme d’attentisme » de la part de la présidente mais aussi du personnel de l’université. « Il faudrait que le personnel se mobilise et ne délègue pas tout à la présidente et au CA », nous a-t-il déclaré.
La grève…
De leur côté, les syndicats ont décidé d’accélérer le rythme des manifestations. Lors de l’Assemblée générale qui réunissait à la fois les représentants du personnel et des étudiants, on a ainsi pu entendre de nombreux appels à la mobilisation. L’un des représentants, appelé à la Tribune, comparait alors cette assemblée à un tournant : « Qu’est-ce qu’on fait ? », a-t-il argué aux membres de l’assemblée, tandis que Pierre, membre de l’Union des Étudiants Communistes de Montpellier, déclarait qu’il n’était pas ici seulement question de l’université Montpellier 3 mais d’« un réel choix de société ». Au final, c’est une journée de grève qui a été votée par l’AG dans sa grande majorité et qui sera proposée aux différents syndicats du personnel et des étudiants, qui devraient évidemment y répondre favorablement. Celle-ci est prévue le mardi 15 octobre, jour où se tiendra la prochaine Assemblée générale ainsi qu’une manifestation en début d’après-midi – manifestation qui partira de l’université pour rejoindre celle contre la réforme des retraites organisée par les syndicats nationaux.
… puis le blocus ?
La question du blocus était alors dans toutes les têtes. L’Unef a proposé un blocage symbolique le jeudi 17 octobre, proposition qui fut accueillie favorablement par l’assemblée, mais d’une courte tête. Néanmoins, pour celles et ceux qui craignent de ne pas pouvoir accéder à leur université, cette information est à relativiser car ce blocage reste symbolique. D’ici au jeudi 17 octobre se tiendra la prochaine Assemblée générale (mardi 15 à 10h30) qui pourrait alors décider d’une toute autre issue. Cependant, la situation semble loin d’être résolue et risque de s’envenimer un peu plus si, comme le craignent certains, les principaux syndicats et le Comité de mobilisation décident de passer à la vitesse supérieure et si les relations entre le Ministère et les dirigeants de l’université n’évoluent pas favorablement.