Maroc à Montpellier: Les Doigts d’Or de Fès
Il faut sortir des sentiers battus pour découvrir la richesse culturelle de Montpellier. Dans la Rue du Faubourg du Courreau un couple était le premier à introduire de l’Oriental par un humble petit lieu nommé Les Doigts d’Or de Fès.
Une balade hors du centre
Oubliez un peu le centre de Montpellier et prenez le temps d’explorer les rues traversantes. La rue du Faubourg du Courreau présentait, il n’y a pas si longtemps encore, des poubelles qui traînaient et des devantures de magasins dévastées. Ces dernières années, la rue s’est transformée progressivement au point de devenir de plus en plus attractive. À côté de kebabs, on trouve un restaurant chinois, un bistro français et des artisans du cuir.
C’était une artère importante : une boulangerie faisait les meilleures bûches de Noël. Tu aurais dû voir la queue!
Mais un lieu, que vous ne devriez absolument pas manquer, a perduré : le salon de thé et restaurant marocain Les Doigts d’Or de Fès. Des pâtisseries maison s’alignent sur le comptoir ; lorsque l’on entre, l’odeur de tajine, de la viande préparée avec des légumes dans un plat de terre cuite, de couscous et de pain frais, font qu’il est très difficile de résister au désir de tout goûter.
Incroyable mais vrai, quand les très aimables propriétaires Najat et Abdelouhed Bricha, tous les deux âgés d’une cinquantaine d’années, ont ouvert en 2001, ils étaient le premier magasin oriental dans la rue.
« Auparavant c’était une artère importante : une boulangerie faisait les meilleures bûches de Noël. Tu aurais dû voir la queue! » Il y avait aussi un magasin de céramique, les pompes funèbres, un salon de santé et bien-être, un fleuriste, des Léonidas… Mais pas de restaurant, et rien d’Oriental. « C’est pour cela qu’on a choisi ce lieu. Il manquait quelqu’un comme nous », me dit Najat autour d’un thé à le menthe.
Les Doigts d’Or de Fès: garder les recettes anciennes
La cuisine traditionnelle est importante pour ce couple ayant grandi dans la vieille ville de Fès, au Maroc. La mère de Najat se passionnait déjà pour la cuisine, et passait son temps à lire des livres de recettes. Elle a transmis cet amour à ses trois filles.
Je voulais apporter ma pierre à l’édifice.
Par contre, à l’époque, elle ne s’attendait certainement pas à ce que l’aînée, Najat, perpétue un jour l’héritage en ouvrant un restaurant. « Je voulais apporter ma pierre à l’édifice. Les recettes ne sont plus aussi authentiques qu’à l’époque où nous les avons apprises. Je souhaite continuer ce savoir. », déclare Najat.
Elle m’explique les noms des pâtisseries : des Makrouts fourrés aux dates, des tortillons Chebakia au sésame, des Mantécao, des Cigares aux amandes, les fameux Baklava, les Kadaif cheveux d’Ange… Je me concentre pour m’en souvenir. Les ingrédients majeurs sont des amandes pilées, des pistaches, des noix, de la semoule, de la pâte feuilletée et du miel. Ici, se lécher les doigts est permis.
Avant de s’occuper de pâtisseries, Najat avait un tout autre travail à Fès. Il était primordial pour ses parents que leurs filles soient indépendantes avant de se marier. Ainsi Najat a suivi, comme prévu, les pas de son père et elle est devenue infirmière. Pendant ce temps, Abdelouhed était bijoutier. Quand tous deux se rencontrèrent ce fut « le coup de foudre ». Elle prit ses cliques et ses claques, et partit avec lui en France.
Construire un lieu ensemble
Dans les années 90, c’était le temps des socialistes en France. Abdelouhed voulut quitter le Maroc après la mort de son père et fit la demande de papiers d’immigration. Ils furent acceptés et l’aventure débuta. En arrivant, ils n’avaient que 22 ans. Après quelques années, ils commencèrent à préparer des pâtisseries pour tout le monde – il y avait une forte demande. À la naissance de leurs filles jumelles, la famille s’agrandit de deux à quatre enfants. Ils décidèrent alors d’acquérir un local, et de s’installer.
« On voulait partager une partie du Maroc qu’on avait apporté dans le cœur et avoir un petit restaurant familial, chaleureux, pas cher, accessible pour tous. »
Cela, ils l’ont réussi : la clientèle est composée d’étudiants autant que de fonctionnaires, jusqu’aux parents avec poussettes.
Naguère, le magasin appartenait à un vendeur de chaussures orthopédiques qui, âgé, mourut de maladie. Beaucoup de rénovations étaient nécessaires, mais cela ne découragea pas Najat et Abdelouhed. Elle apporta de la céramique durant tout le chemin depuis Fès jusqu’en France, dans sa vieille voiture : une Peugeot 405 break. Abdelouhed s’occupa d’ouvrir le mur pour créer une porte en arche, ils construirent eux-mêmes le comptoir/présentoir; et Najat s’occupa des coussins pour les sièges. « Quand on s’y met, on peut faire de belles choses ensemble. »
Vous pouvez vous en convaincre avec la nourriture, même la cuisine est faite ensemble. Quand le service du soir est terminé, ils entament la préparation des pâtisseries du lendemain. Parfois ils travaillent jusqu’à 1h du matin. « C’est un métier très prenant, si l’on n’aime pas, on ne peut pas garder ce rythme », explique Najat. Impossible pour eux de déléguer, car la consistance du goût leur est essentielle.
Najat parle de ses clients comme s’il s’agissait de ses invités. Quand vous allez aux Doigts d’Or de Fès, prenez votre temps, cela fait partie du charme du lieu. Ici il s’agit bien plus de partager que de gagner de l’argent. Après l’interview, Najat ne me laisse pas la quitter sans une boîte de ses créations : « Fais avec amour… » Si vous y passez, dites bonjour de ma part…