« Amoureux de la vie », ils apaisent celle des plus démunis
À Montpellier, ce n’est pas le soleil mais l’association des Amoureux de la vie qui rend la misère moins pénible.
Face à la détresse et la précarité, il y a ceux qui détournent les yeux, ceux qui condamnent ou critiquent, ceux qui méprisent ou encore ceux qui compatissent. Mais il y a aussi ceux qui combattent ce que les autres prennent trop souvent pour une fatalité. Si si, ça existe ! Pour preuve, allez faire un tour du côté de la place de la Comédie les lundis et jeudis soirs, vous y verrez un étrange manège. Ces soirs-là, les SDF rassemblés aux pieds des marches de la Comédie ne restent pas livrés à eux-mêmes. Dès 19h45, un fourgon blanc se gare ; Patrick et Bernadette en descendent et saluent des jeunes qui semblent les attendre. Lorsque les autres bénévoles arrivent, ils dressent les tables et le repas, sortent de leurs voitures des marmites, des glacières, des cageots de fruits, des sacs de pain, des croquettes pour chiens, etc. C’est la mission que ce sont donnée ces « Amoureux de la vie », distribuer des repas aux SDF montpelliérains.

Sylvie et Patrice, à l’initiative du projet
« On s’est demandé ce qu’on pouvait faire à notre échelle. »
Patrick et Sylvie, un couple de chômeurs lodévois, ont lancé ce projet le 14 février 2012. Déjà bénévoles au 115 du particulier (une association qui permet aux sans domicile fixe d’être logés chez des particuliers), ils ont voulu venir en aide à ceux qui vivaient dans la rue pendant ce mois de février particulièrement rude. « On s’est demandé ce qu’on pouvait faire à notre échelle » puis « on a publié une annonce sur OVS Sorties » explique Patrice, « pour voir si des gens nous suivraient ». Bingo, d’autres habitants de Montpellier et ses environs ont en effet exprimé leur volonté de participer au projet et, très vite, ils se sont réunis pour distribuer des repas préparés par leurs soins, ainsi que des couvertures et des vêtements chauds. Au départ, une quarantaine de personnes en difficulté sont venus savourer ces mets ; aujourd’hui, ils sont plus d’une centaine à en avoir besoin et ce chiffre n’est pas prêt de diminuer.
« Montpellier attire beaucoup de jeunes précaires. »
Charles Aznavour chantait que « la misère serait moins pénible au soleil » ; pas sûr qu’elle soit moins pénible, mais Montpellier attire effectivement beaucoup de jeunes précaires, venus chercher un nouveau départ professionnel, une vie peut-être plus facile. Mais le chômage qui sévit dans le sud ne facilite pas leur insertion… Au premier trimestre 2012, le taux de chômage dans la population active à Montpellier était de 13,2%, très supérieur à la moyenne nationale qui était de 9,6%. Les gouvernements successifs et les collectivités ne parvenant pas à inverser la tendance, ce sont alors de simples citoyens au grand cœur qui prennent le relais, comme le font si bien Patrice, Sylvie, Patrick, Bernadette, Anouk et la soixantaine d’autres bénévoles.

Comme chaque lundi, les membres de l’association et les SDF se retrouvent près de la Comédie
Une action devenue indispensable mais qui ne plait pas aux restaurateurs de la Comédie : des SDF qui se regroupent pour manger, cela gâche l’image de carte postale qu’ils veulent offrir aux touristes. Alors les Amoureux de la vie se sont un petit peu déplacés, pour être « moins vus », comme le dit Patrice, compréhensif. « On va voir avec la mairie si on peut avoir un emplacement bien défini, comme ça on ne gênera personne ». Depuis quelques mois, ils se sont constitués en association, cela leur permet d’être davantage reconnus et de bénéficier des stocks de la Banque alimentaire qui leur fournit du pain, des fruits, des yaourts, etc, en plus de tout ce que donnent les bénévoles. À présent, ils vont également pouvoir faire des demandes de subventions. En plus de la chaleur des repas et des couvertures, c’est surtout une chaleur humaine qu’apportent les amoureux de la vie : ils discutent, donnent les contacts de centres d’hébergement, écoutent.
« Ce genre de projet redonne un peu d’espoir. »
En créant les Restos du cœur, Coluche pensait que ça ne serait qu’éphémère, qu’il n’y en aurait pas besoin très longtemps. Il avait – malheureusement – tort et c’est ce genre de projet, « comme il en existe un peu partout en France », qui redonne un peu d’espoir à ceux qui vivent dans la rue. Parfois alcoolisés, violents, exigeants ou démoralisés, ils ne facilitent pas toujours la tâche des bénévoles qui font parfois face à des situations difficiles. Mais, d’une extrême reconnaissance, ils ne cessent de les remercier, conscient de l’humanité sans limite dont « leurs seigneurs » font preuve.