Crowdfunding The place to Bio « La difficulté c’était de tenir »
En immersion dans le crowdfunding, Le Nouveau Montpellier souhaitait faire découvrir à ses lecteurs les enjeux du financement participatif. Quelles sont les différentes étapes d’une campagne de ce type ? C’est la question que nous avons posée à Eric Lecluyse, un journaliste qui décide de se lancer dans une collecte de fonds de 18000€ pour financer une application mobile. Une expérience qui demande beaucoup d’énergie mais qui permet de concrétiser ses projets à l’aide de ses réseaux.
Le Nouveau Montpellier : Est-ce que vous pouvez présenter votre projet ?
Eric Lecluyse : C’est un projet qu’on a monté avec Julie Coignet, qui habite à côté de Montpellier. Moi je suis journaliste et je suis plutôt orienté contenu éditorial. C’est une idée que j’avais et je lui en avais parlé il y a deux ans. Elle travaille plutôt dans le domaine de la communication, des relations presse et des réseaux sociaux donc on s’est associé. Avec assez peu de moyens au début, on avait quand même trouvé quelques partenaires et sponsors. Ce qui ne permettait pas de dégager des salaires, mais qui a au moins permis de développer un site et de commencer à créer The Place to Bio.
Pour décrire un peu ce que c’est, The Place To Bio est un guide de bonnes adresses. Des adresses engagées comme des restaurants qui proposent minimum 30% de bio. On ne parle pas que du bio, mais aussi de tout le reste : l’utilisation de produits locaux, le fait de proposer des plats végétariens car on sait que la viande ça a un gros impact carbone. On travaille avec les structures qui ont des responsabilités environnementales comme la pêche responsable, le fait d’utiliser les doggybags pour éviter le gaspillage etc… On a une remise de prix chaque année, on choisit une vingtaine d’adresses sur 250 et on les teste avec un jury. Ensuite, on organise une remise des prix à Paris à la fin de l’année.
Sur la campagne en elle-même, comment vous l’avez ressenti le début de ce lancement de crowdfunding ?
On sentait le besoin d’une application, mais on n’en avait pas les moyens. On s’est dit qu’on n’allait pas attendre d’avoir une grande audience avant de sortir l’application. On ne voulait pas perdre de temps pour réellement lancer le projet. Au début, on s’est vraiment demandé comment on allait faire. C’est un gros travail dès le début. On s’est fixé un montant de 18 000€ parce que c’était l’argent qui était nécessaire. On n’arrêtait pas de courir après l’argent, à coup de 1000€. On s’est dit, pour une fois, on va faire le nécessaire pour se donner les moyens. C’est ce qu’ont montré les devis. Il faut qu’on ait 18 000€. On a décidé de mettre la barre haute. Ce qui nous a aidé, c’est de mettre de bonnes contreparties. On s’est beaucoup appuyé sur nos partenaires, qui offraient des produits bio. Tous les restaurateurs dont on parle et qui ne payent pas pour être sur le site, on leur a demandé d’offrir des repas. C’était la clé du succès de la campagne car d’emblée on était soutenu par 250 restaurateurs. Donc on partait avec un réseau. On est parti comme ça, en prenant le temps de construire un beau projet, avec de bonnes contreparties.
C’est un peu fatiguant le crowdfunding, parce que The Place To Bio c’est pas notre boulot principal. La difficulté c’était de tenir, parce qu’on avait choisi une campagne longue… Et 2 mois c’est long. C’était assez fatiguant.
Comment vous avez mobilisé vos réseaux ?
Déjà on a eu un gros coup de bol… Parce qu’on a été choisi par la Banque Postale. Sur le site on peut cocher une case pour être sélectionnable par la BanquePostale qui choisit deux projets chaque mois. Elle demande à ses internautes quel projet parait le plus pertinent.
Avec l’expérience on sait maintenant que le truc qui marche bien c’est le cercle des amis et des proches, mais ce n’est pas que la famille…
Si on n’avait pas eu ça, on arriverait pas au bout. Sans doute que 18 000€ c’était trop élevé pour nous. Ça a été une semaine d’enfer parce qu’il fallait faire voter tout notre réseau pour gagner le duel avec l’autre projet. Ce n’est pas si facile de faire voter nominativement chaque personne. En une semaine on a gagné la moitié de notre collecte. Alors que normalement en une semaine on gagnait 1000€ 2000€… Ça nous a beaucoup aidé. Sinon pour mobiliser, avec l’expérience on sait maintenant que le truc qui marche bien c’est le cercle des amis et des proches, mais ce n’est pas que la famille… Ça peut être des collègues, des anciens collègues, des gens qui vous suivent de loin. C’est ceux-là qui vont mettre un petit peu d’argent de temps en temps. Ceux-là, il faut les solliciter par Facebook, par mail… En essayant de ne pas trop exagérer. Il faut y aller une fois, deux fois… Trois fois… quatre fois. Ils encouragent, ils passent le message à leurs amis, et au bout d’un moment ils finissent par se dire « bon je vais mettre 30€… 40€ ». Il ne faut pas hésiter à être un peu lourd parfois.
Et selon les spécialistes il y a toujours des périodes creuses… Comment vous l’avez vécu cette période ?
Les deux trois premières semaines ça allait. La première semaine c’était top, mais après ça fléchit un petit peu. Le coup de cœur de la Banque postale, même si ça nous a fatigué de faire voter tout le monde pendant une semaine, ça nous a quand même rapporté 50% de la collecte. C’est juste après qu’on a eu le coup de mou… Il nous restait 7000€ à collecter en 1 mois. On a mis quelques jours à se remettre de cette débauche d’énergie. C’est là qu’on s’est dit mince… Ça serait bien le diable si on n’arrive pas à 20 000€. Sur une collecte de deux mois par exemple, quand on arrive à un mois et une semaine, les gens qui ont été sollicités sont un peu lassés de voir passer les messages.
on a compensé cette baisse d’énergie, en se disant « ce n’est pas grave si on n’est pas assez efficace qu’on le voudrait, maintenant on fait du fond…
On avait fait le tour de notre réseau et on n’avait pas assez fait le tour des gens qui pouvaient donner en bout de course. On s’est dit « tient on va essayer d’exploiter d’autres réseaux ». On sait que ça va être difficile, mais on va envoyer des messages à toutes les associations qui s’occupent du bio dans les régions et les départements. Il a une FNAB (Fédération Nationale d’Agriculture Biologique) qui parfois s’intéresse aux projets qui mettent en avant le bio. C’est un peu comme ça qu’on a compensé cette baisse d’énergie, en se disant « ce n’est pas grave si on n’est pas assez efficace qu’on le voudrait, maintenant on fait du fond… On travaille pour la suite et ce n’est pas grave si on n’arrive pas aux 20 000€. » C’est vrai que ça soulage quand on arrive au bout…
Finalement vous avez réussi !
Oui ! C’est chouette. C’était un gros gros boulot… On a tout un boulot de gestion interne aussi.
Je pensais que c’était plus léger que ça la logistique derrière la campagne… Mais en fait ça demande du temps. Si on n’a pas plusieurs heures à consacrer, ça ne peut pas marcher.
Parce qu’on offre des restos, donc il faut tenir un décompte, vérifier qu’ils ne se sont pas trompés dans les contreparties. Par conséquent, il faut annuler les contreparties… Ce n’est pas moi qui m’en occupais, mais le backoffice de tout ça, ça prend un temps dingue. Et encore, on n’a pas fait les choses pleinement avec un graphiste par exemple. Je pensais que c’était plus léger que ça la logistique derrière la campagne… Mais en fait ça demande du temps. Si on n’a pas plusieurs heures à consacrer, ça ne peut pas marcher. Ou alors pour des petites sommes. Ça devient vite prenant quand même !
Vous avez l’impression d’être super lourd avec vos proches et ce n’est pas facile pour déplacer les cercles. Ce qu’il faut faire, c’est avoir 5-6 ambassadeurs qui ont de gros réseaux. C’est très important car ils peuvent être très influents dans d’autres cercles qui ne sont pas les vôtres.