Humans of Montpellier n°71
Mon nom de scène, mais mes amis aussi m’appellent ainsi, c’est Emeraldia Ayakashi. Je fais du sound design, c’est-à-dire que je fais des musiques pour des courts métrages, des documentaires ou des films. J’ai aussi fait des musiques d’ambiance pour expos. Là un peu moins depuis que je suis revenue à Montpellier, mais je faisais du sound design pour le Palais de Tokyo essentiellement. Pour des expos d’art contemporain, et un peu pour l’ouverture de la fondation Louis Vuitton. À côté, je suis productrice de musique, j’ai sorti trois E.P. en électro. Là je suis sur un projet de beatmaking plutôt hip-hop. J’ai fondé l’association et collectif Support Your Local Girl Gang, et je suis aussi en train de monter un groupe de punk rock de filles à Montpellier, pour faire des petits concerts.
Je suis originaire de Montpellier, et je suis partie vivre à Paris il y a une dizaine d’années à peu près. Je ne suis véritablement revenue à Montpellier que depuis début janvier. La raison essentielle de mon retour, c’était le soleil, le beau temps et la mer. C’est vrai que j’adore Paris, au niveau culturel c’est hyper intéressant. Mais je trouve que ça bouge pas mal à Montpellier depuis cinq ou six ans. Il y a aussi la danse, les concerts et les associations qui m’ont donné envie de revenir.
Je trouve que c’est une ville qui est assez urbaine, et en même temps très proche de la nature. Le fait que la mer, la Garrigue et la montagne soient à côté, cela donne des opportunités d’ouvertures incroyables. C’est beaucoup plus agréable que dans des grandes villes où on est un peu enfermés avec des grands immeubles. Le fait que ce soit une ville étudiante apporte beaucoup de nouveautés, voire même d’échanges et d’éclectisme. C’est une ville qui est hyper portée par la culture. On a de la chance ici, c’est une ville très jeune.
Se développer dans le domaine culturel à Montpellier, c’est facile si on sort un peu des sentiers traditionnels. Tout ce qui est grands festivals, comme par exemple Montpellier danse que j’adore, ça passe beaucoup par la Métropole ou par la Région. Donc à moins de connaître des gens, ce qui est un trait typiquement du sud, on n’avance pas beaucoup. J’en connais, mais je n’ai pas forcément envie de rentrer là-dedans. J’aime bien proposer une marge, comme ce qui se fait pour le Festival d’Avignon, Avignon off. Et il y a un public qui suit en plus.
Je veux aider ces filles-là à émerger un petit peu et à se faire connaître du grand public
Ça c’est intéressant, car quand on fait du off, ce n’est pas forcément évident d’avoir un public qui suit. Il y a des structures qui permettent de faire des choses un peu plus visibles, un peu plus médiatisées, ou dans des lieux publics, comme cette place où l’on se trouve devant la médiathèque Emile Zola, ou la place devant la Mairie. Mais il faut passer par des institutions qui sélectionnent tout le temps les mêmes personnes. Moi je suis très partisane de créer ses propres évènements et d’amener quelque chose de différent.
J’ai monté une association, qui s’appelle Support Your Local Girl Gang, en février 2018. C’est une association qui défend l’égalité homme-femme, et aussi tout ce qui est queer et LGBTQIA+. Pour le moment, on a fait deux soirées : une en mai à l’Apothicaire, puis l’organisation du Pride Off qui a eu lieu au Studio 411 en marge de la marche des fiertés et des diversités. Et là l’idée à la rentrée, c’est qu’on va essayer de faire des résidences dans des lieux LGBT. Aussi dans des lieux qui sont apparentés à la culture hip-hop, notamment les Maisons Pour Tous, parce que l’idée c’est surtout de mettre en avant des artistes féminines, pas forcément queer. Je veux aider ces filles-là, ou ces performers, ces street-artists à émerger un petit peu et à se faire connaitre du grand public.
On fait des interviews sur notre site, deux ou trois par mois. Là on est plusieurs à bosser dessus, et c’est très ouvert. Il y a beaucoup de collaborateurs et collaboratrices. Le focus est mis sur des artistes de Montpellier, et un petit peu de Toulouse ou de Marseille. On met l’accent sur des artistes féminines qui sont dans le sud, et qui ne sont pas forcément mises en avant dans les médias ou peu.
Quand j’étais à Paris, j’ai contribué pendant deux ans dans l’association, qui est aussi un site internet et un collectif appelé Madame Rap , avec Éloïse Bouton. Je m’occupais de tout ce qui était programmation de soirées, et on avait fait une compilation contre les violences faites aux femmes. J’ai donc rencontré, et vu passer pas mal d’artistes, que je connais toujours. Je me base sur ces connexions pour faire bouger mon association. Vu que je suis productrice de musique aussi, j’ai un peu un gros réseau d’artistes pour et avec qui je travaille.
Je trouve le milieu du hip-hop beaucoup plus inclusif que le milieu des clubs, de l’électronique.
Après j’aime bien les gens, donc je vais leur parler. Je fais aussi des interviews avec les autres personnes du collectif, c’est une bonne manière de connaitre les gens, de leur proposer – quand on fait des choses – de venir faire des scènes avec nous. Il y en a aussi que je suis parce qu’elles sont assez jeunes et pour lesquelles je trouve qu’elles ont un avenir très prometteur dans le hip-hop. Justement, c’est un milieu que je trouve beaucoup moins clivé que le reste. Il y a des valeurs de respect qu’on retrouve moins dans d’autres milieux. Et je trouve le milieu du hip-hop beaucoup plus inclusif que le milieu des clubs, de l’électronique.
Il y a un taux d’exclusion de personnes racisées dans certains domaines qui me révolte. Je trouve que créer ce milieu inclusif dans les évènements que l’on organise et rester dans le milieu hip-hop est obligatoire pour moi. Parce que c’est choquant de devoir lutter pour cette égalité encore actuellement. C’est un non-sens pour moi. Le hip-hop pour moi, c’est ma zone de confort, parce que même si ça peut paraître très clash dans les textes, il y a vraiment des valeurs de respect de l’autre qui en fait sont très fortes.
C’est pour ça que j’ai choisi de donner rendez-vous devant la Médiathèque Émile Zola, c’est parce que je trouve que c’est un lieu hyper égalitaire et collectif où l’on a accès à la culture pour tous. Même les personnes qui sont un peu en retard au niveau numérique peuvent avoir accès à plein de contenu culturel. Les bibliothèques sont des lieux magnifiques, avec le jardin des plantes qui est mon premier coup ce cœur à Montpellier.
Personnellement, je suis en train de préparer un E.P. de hip-hop qui devrait sortir début janvier. Mon pseudo sera Lazarus, j’en dirai plus quand il sortira, parce que l’idée sera de jouer sur l’identité. On ne verra pas si je suis une femme ou un homme et je veux jouer sur le fait qu’on apprécie d’abord la musique avant de connaitre le genre de la personne. Je ne rapperai pas, je ferai tous les sons et des featurings avec deux rappeurs et deux rappeuses pour avoir justement une égalité sur 4 morceaux.
Organiser tous ces évènements permet d’avoir des croisements de populations et une mixité des milieux et de personnes.
Avec l’association, j’aimerais bien faire des ateliers d’écriture, de beat making, avec des scènes ouvertes, un peu en dehors de Montpellier. Je ne veux pas utiliser le terme banlieue parce que je déteste ce mot, de plus ça s’adapte très mal à la périphérie de Montpellier. Mais l’idée c’est de faire tout ça dans les Maisons pour Tous et autres collectifs, tout en gardant ce côté centre-ville quand même. Avec également des scènes ouvertes, des DJ’s, des lives dans des lieux en centre. Organiser tous ces évènements permet d’avoir des croisements de populations et une mixités de milieux et de personnes.
Actuellement, avec le collectif Support Your Local Girl Gang, on va reprendre les mensuels au Studio411. L’idée c’est que dès qu’on fera des expositions, qu’on présentera des nouveaux artistes, on organise une prise de parole. On traitera des thématiques littéraires, ou des films, et ensuite il y aura un dj et un live. Donc ce ne sera pas comme les soirées que nous avions déjà fait avec plusieurs rappeuses et DJ’s. Là, l’idée c’est de se centrer sur moins d’artistes, à qui l’on donne carte blanche, et de faire des ateliers différents à chaque fois.