Humans Of Montpellier n°73
Je m’appelle Vincent Blénet, j’ai 36 ans, je suis écrivain. Je suis né à Montpellier, j’ai grandi un peu ici puis ensuite j’ai bougé de ville. Ma mère et moi on est revenus en 1993, je vis donc à Montpellier depuis cette date.
J’ai commencé à écrire à l’âge de 15 ans. Comme j’ai toujours eu un coté introverti et peu confiance en moi, j’ai eu du mal à approcher facilement les gens car j’étais rongé par « 10 millions de peurs ». J’ai été battu et terrorisé dans des collèges, comme j’avais un style gothique – que j’ai toujours d’ailleurs – et un attrait pour tout ce qui était spirituel et fantastique. Donc forcément j’étais toujours le « mouton à abattre » comme à l’époque la mode c’était plutôt roller, skate et pornographie.
Je suis un écorché vif. Les choses je les ressens différemment car j’ai une sensibilité à vif.
J’ai fait 3 ans au collège La Salle dans le quartier des Beaux-Arts et la dernière année au collège Saint-Roch vers Celleneuve. Les élèves m’on brisé durant cette période scolaire. Ils m’ensanglantaient les pieds, ils allumaient des briquets sur ma tête. Ca a été violent. Et les professeurs eux… dès qu’ils voient quelque chose d’associal, ils sont dépassés. A la suite de ces phobies scolaires, j’ai atterri à l’hôpital psychiatrique de La Colombière à l’âge de 16 ans et ça m’a détruit.
Je n’ai pas eu d’enfance ni d’adolescence et quand j’avais commencé à écrire à l’âge de 15 ans, c’était pour m’évader de ma souffrance alors que les psychiatres me disaient qu’écrire c’était une maladie. Cet épisode de ma vie je l’ai raconté dans mon premier livre « Je suis mort en 1999 » qui correspond à l’année où j’ai été interné pour la première fois. Depuis j’ai sorti 14 bouquins notamment avec ma maison d’édition actuelle qui s’appelle La Compagnie Littéraire.
Je suis un écorché vif. Les choses je les ressens différemment car j’ai une sensibilité à vif. La plupart des textes que j’écris viennent toujours d’un travail d’observation sur la société actuelle en vadrouillant dans les rues de Montpellier. Par exemple, le livre que j’ai écrit qui s’appelle Cieux FM, relate l’absurdité moderne de notre époque. Mais c’est aussi un portrait sarcastique, ironique et cynique de la société montpelliéraine.
Pour ce livre, j’ai passé du temps avec les SDF, au polygone et dans les boites de nuit. A travers ces trois pôles d’observation, j’ai eu un ressenti assez global. Par exemple quand on est avec les SDF, on sent qu’ils sont mis à part, comme si c’était des paquets encombrants, des poubelles. Dans le polygone, il y a cet omniprésent rituel de consommation où les gens n’existent pas s’ils ne dépensent pas. Le désir est encore plus omniprésent dans les centres commerciaux que dans des bars à hôtesse. Parce que qu’il y a des belles filles partout, ça consomme trop, l’argent coule à flot, et à Montpellier cette mentalité vénale est omnipresente. Mon côté pro-féministe en a pris un coup. D’autant plus qu’à l’époque, je vivais dans une négation extrême de la sexualité.
Il faut savoir que lorsqu’on est écrivain à « compte d’auteur », on a des difficultés à se faire promouvoir.
Quand j’ai ouvert les yeux sur ce sujet, d’avoir moins honte d’en parler, de manifester le désir de découvrir ces choses normales que je n’avais pas eues – car je n’ai eu aucune jeunesse ni adolescence – j’ai découvert que les étudiantes ici voulaient toujours des mecs stéréotypés ou des voyous exotiques. Me concernant, elles me disaient tout le temps « toi t’es blanc, t’es gros, t’es moche, il y a pas de places pour des gens comme toi dans la société, il faut être bourré pour t’apprécier » ou d’autres choses immondes. Cela m’a inspiré pour mon nouveau bouquin sorti en février dernier qui s’appelle Gazhell. C’est un condensé entre la « gazelle », la fille magnifique qu’on ne peut pas atteindre, et en même temps le « hell » de l’enfer par cet amour qui nous fait mal et qui consume notre vie.
Ce livre je l’ai présenté au dernier salon des livres et des arts à Figuerolles. Il faut savoir que lorsqu’on est écrivain à « compte d’auteur », on a des difficultés à se faire promouvoir. Les grands médias locaux que j’ai sollicités m’ont dit clairement que je ne les intéressais pas car j’étais à « compte d’auteur ». Il y a un média qui s’appelle l’ami des auteurs, dont le créateur est Frédéric Candian, qui aide les écrivains n’ayant pas la possibilité de se faire connaître. C’est très important pour moi de les mentionner car on a du mal à trouver des médias qui vont avoir la gentillesse de nous inviter pour parler de nos œuvres.
Au salon des livres et des arts, j’ai découvert de nombreux d’artistes extraordinaires qui ont du talent ! Je pense à Quincy Gane, un illustrateur qui a envie de faire connaître ce qu’il fait, mais on ne lui donne aucune possibilité car il est en édition à « compte d’auteur ». Je pense aussi à Régine Fournon et à Marcel Camill’ également. C’est dur pour nous parce car on n’est pas issus des grosses industries de Paris. Et pourtant on est des êtres humains ! Derrière une œuvre il y a un humain, une émotion humaine, comme une blessure, une fêlure ou une joie. C’est ça qu’on devrait mettre en avant et pas le nombre de retweets ou si vous êtes dans les hashtags les plus populaires. Ce salon littéraire nous a beaucoup aidé dans ce sens. L’organisateur, Thierry Arcaix, a été extraordinaire. Grâce à lui je me suis fait des contacts, je le remercie beaucoup.
#Culture 3e Salon des #livres et des #arts, au quartier de Figuerolles #Montpellier Les artistes et écrivains sont à l’honneur à l’occasion de la #JEP2018. pic.twitter.com/rNWUyVWNkL
— LeNouveauMontpellier (@LeNouveauMtp) 16 septembre 2018
Il faut dire que j’ai eu tous mes traumatismes à Montpellier, que ce soit le collège, la psychiatrie ou les blocages qui vont avec. Mais la ville je l’aime bien, il y a des endroits sympas. Mes endroits préférés sont devant le Peyrou avec la croix et l’horizon en perspective. La place de la Comédie est belle aussi, j’aime le pont de Sète en face de la gare également. Dans l’écusson, il y a la signature du temps qui a traversé par la présence de belles églises.
Il y a quand même des mecs qui m’ont braqué leur sexe en plein visage, un soir, dans le tramway, devant tout le monde !
Je me souviens quand j’étais jeune, il n’y avait pas beaucoup de choses ici. Il y avait juste les calèches qui faisaient le tour de la ville. Le problème, c’est que Montpellier est devenue comme Las Vegas. Il y a trop de jeunes, trop d’étudiants qui font la loi et qui dictent comment vous devez être, comment vous habiller, ce que vous devez écouter. Ici la mentalité se résume à ressembler à un clone, consommer tout le temps des marques standards, s’enfermer dans des bars sous une mentalité de Peter Pan, faire les voyous en mode « wesh », aller en boite et se comporter de manière irrespectueuse.
Il y a un mélange de Louis XIV et d’Adolf Hitler chez les jeunes d’aujourd’hui. C’est-à-dire qu’ils se prennent pour des rois, pour eux tout leur est dû, la vie est une fête permanente, ils sont condescendants; Et dans le même temps, leur être « supérieur » est codifié stylistiquement avec une casquette à l’envers, le polo de marque etc. Si vous avez le malheur de ne pas ressembler à la mode prédéfinie, faut presque vous gazer. Il y a plein de gens qui m’ont dit « on va te crever » juste parce que je m’habille en gothique !
Il y aussi beaucoup d’incivilités dans cette ville. Il y a quand même des mecs qui m’ont braqué leur sexe en plein visage, un soir, dans le tramway, devant tout le monde ! Dans la rue c’est pareil, les gens ne peuvent pas se balader tranquillement. Il y a beaucoup de jeunes ici qui jouent les « hippies » alors qu’ils ont la carte bleue de papa PDG et de maman directrice design.
Pour prendre un exemple : l’esplanade Charles de Gaulle, c’est la zone le soir ! Alors je peux comprendre qu’on puisse s’installer sur l’herbe pour se poser, mais qu’on y laisse des bouteilles éclatées, y faire des feux de camp etc; Et je ne parle même pas du trafic ! Après ça c’est un autre problème car dans cette ville on préfère plus investir sur des choses qui ne servent à rien. Comme par exemple des tramways à musique pour la fête de la musique ou des tramways pour des start-ups, au lieu de restaurer le patrimoine de la ville et faire respecter certaines choses.